Sur le chemin de l'histoire

L’histoire de Genève à travers ses noms de rues

En passant par la Cité

La rue Tabazan

Au cœur de la vieille ville de Genève se trouve une petite rue avec un nom qui a longtemps été synonyme de bourreau dans l’imaginaire genevois: la rue Tabazan. Et pour cause, trois de ces membres ont exercé cette fonction entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle.

Le métier de bourreau

C’est à partir du XIIIe siècle en Suisse que les villes, anciennes ou nouvelles, commencent à obtenir leurs droits municipaux. Il s’agit de l’autorisation de leur évêque ou de leur seigneur à faire régner par elles-mêmes les lois dans leur enceinte et dans les campagnes environnantes. Dès lors apparaît la charge de bourreau, autrement dit de celui qui applique les sentences.

Il devient l’exécuteur de la justice, et a la charge de ce qu’on nomme alors «les hautes œuvres». Celles-ci concernent bien évidemment les peines capitales, mais aussi les sentences de bannissement ou de châtiments corporels. Petit à petit, les bourreaux doivent aussi prendre en charge les supplices et la torture des accusés, et d’autres fonctions désagréables comme l’équarrissage, l’ensevelissement des corps ou encore la surveillance des maisons de prostitution. Ces nouveaux rôles ainsi que le fait d’être la figure de la mise à mort des condamnés amènent à la stigmatisation du rôle de bourreau.

Peinture d'une potence
Pieter Brueghel l'Ancien, Peinture d'une potence, 1568.

Les Tabazan

Les bourreaux vivent alors hors de la vie sociale de la cité, et sont exclus par les citoyens et les bourgeois des villes. Cette situation amène fatalement les familles de bourreaux à se marier entre elles, et à se passer leur charge publique de père en fils.

C’est ainsi que naît la dynastie de bourreau la plus célèbre de Genève: les Tabazan. Originaire de Chilly en Savoie, la famille Tabazan s’établit à Genève en 1490, avec l’arrivée d’un certain Pierre Tabazan. On connaît ensuite au moins trois Tabazan qui ont exercé la fonction de bourreau dans la cité, de 1550 à 1617: Pierre, François et Romain.

Ils ont habité tour à tour dans la rue qui porte aujourd’hui leur nom, dans la maison portant le numéro 6. En face de ce numéro se trouve aujourd’hui une enseigne, probablement posée en 1950. Avec sa capuche et son immense épée servant à couper des têtes avant l’invention de la guillotine, elle représente François Tabazan, le plus célèbre des bourreaux de Genève.

Enseigne à l'effigie de François Tabazan

François Tabazan, le bourreau de l’Escalade

François Tabazan est né en 1534 à Genève. Fils du bourreau Pierre Tabazan, il exerce à son tour cette charge, probablement dès la fin du XVIe siècle. Si son nom est resté dans les mémoires, c’est parce qu’il occupait cette fonction en 1602, lors des évènements de l’Escalade.

François Tabazan a donc été chargé, dès le lendemain de l’attaque, de la torture et de la pendaison des prisonniers savoyards, capturés durant la nuit du 12 décembre. Il a décapité les corps des Savoyards exécutés et de ceux ayant péri durant l’attaque. (Ce qui représente, selon les sources, environ 70 cadavres). Il a ensuite balancé leurs corps dans le Rhône, et exposé leurs têtes sur des pics sur le Bastion de l’Oye, là où la bataille avait commencé.

Personnage devenu ainsi emblématique de l’histoire genevoise, François Tabazan est resté dans les mémoires grâce à la rue qui porte son nom. D’autres éléments sont venus alimenter le mythe autour de sa personne, comme la création d’une pièce de théâtre en 1950, Tabazan ou le Bourreau de Genève. Tabazan fait aussi partie des figures emblématiques des cortèges et représentations de l’Escalade par la Compagnie 1602.

Vous voulez lire une autre histoire des noms de rues?

Partagez l'article ici

Sources

Chaix, Benjamin. « À l’enseigne du bourreau Tabazan ». Tribune de Genève, 07.05.2020. En ligne ici

Illi, Martin. « Bourreau ». Dictionnaire historique de la Suisse, 01.09.2003. En ligne ici

Site des Noms géographiques du canton de Genève. 

Images

Images 1 et 3. Photographies de l’auteure.

Image 2. Domaine public, Wikimedia Commons.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *