Dans le quartier de Champel, une rue rend hommage à l’un des plus éminents chimistes genevois du XIXe siècle. Il s’appelait Jean-Charles Galissard de Marignac. Au cours de sa carrière, il a déterminé la masse atomique de 28 éléments, et il est le seul Suisse à avoir découvert deux éléments chimiques.
Jean-Charles de Marignac naît à Genève en 1817. Il étudie d’abord à l’Académie (qui deviendra l’université de Genève en 1873), puis à l’École polytechnique de Paris en 1853. Il suit ensuite des cours d’analyse minérale à l’École des mines et obtient son diplôme en 1841.
Marignac retourne alors sur Genève. Il n’a que 24 ans, et on lui offre un poste de professeur de chimie à l’Académie. Il est ensuite nommé professeur de minéralogie en 1845. Un choix qui peut paraître prestigieux, mais qui s’accompagne à l’époque d’un salaire modeste, d’un laboratoire dans un sous-sol sombre et humide et de l’obligation d’acheter son matériel sur ses propres fonds.
Marignac devient professeur à une époque où l’étude de la chimie est en plein essor. La communauté scientifique vient d’accepter la théorie atomique de John Dalton, qui conçoit que tous les éléments connus ne sont constitués que d’un seul type d’atome, qui se combine avec d’autres pour former des structures complexes (les éléments).
Les scientifiques du milieu du XIXe siècle cherchent alors à isoler et d’identifier le plus d’éléments possible. Marignac ne fait pas exception. Dès 1842, il publie des articles sur ses calculs de masses atomiques. Il réussit à séparer et mesurer les masses atomiques de 28 éléments, soit 40% des éléments connus de son époque. Ses travaux, comme ceux d’autres chimistes du XIXe siècle, ont permis à Dimitri Mendeleïev de classer et concevoir son tableau périodique des éléments en 1869, encore utilisé aujourd’hui.
Marignac a aussi fait d’autres grandes avancées scientifiques. Il est le seul Suisse à avoir découvert deux éléments chimiques: le gadolinium et l’ytterbium.
En 1789, un chimiste finlandais, Johan Gadolin, avait identifié une nouvelle roche près du village d’Ytterby en Suède : l’yttrium. Quelques décennies plus tard, le scientifique suédois Carl Mosander parvient à la fractionner en trois composés, et renomme une de ces partie yttria en l’honneur de son lieu de découverte. Puis, en 1878, Marignac découvre qu’un autre des trois composant, l’erbine, n’est pas homogène. Il y distingue plusieurs éléments, dont un nouveau qu’il baptise ytterbium. La même année, pour des raisons de santé, il quitte l’université de Genève.
Il installe un laboratoire chez lui pour continuer à travailler. Il analyse un morceau de samarskite, un minerai d’Amérique du Nord. En 1880, il y découvre un nouvel élément et le nomme gadolinium, en l’honneur du chimiste Galodin qui a découvert l’yttrium.
Marignac est encore connu pour d’autres expériences et découvertes scientifiques. Entre autres, il a démontré que l’ozone, que l’on pensait être composé d’azote n’était fait que d’oxygène. (d’où son nom scientifique de trioxygène).
Il a également réalisé une autre folle expérience. En 1851, le physicien Léon Foucault démontre la rotation de la Terre grâce à un dispositif que l’on connait désormais sous le nom du Pendule de Foucault. En mars 1851, il attache une sphère de 28 kg suspendue à un fil d’acier de 67 m à la voûte du panthéon à Paris. Il met en évidence que son plan d’oscillation pivote au fil des heures, à cause de la rotation de la Terre autour de son propre axe.
En juin de la même année, Marignac reproduit cette expérience dans la cathédrale Saint-Pierre avec Henri Dufour. Ils démontrent eux aussi la rotation de la Terre. C’est une des rares occasion où Marignac a travaillé en équipe. Très solitaire, il a passé sa vie sans collaborateur. Cela ne l’a pas empêché d’être connu internationalement à son époque, mais explique peut-être l’oubli de son nom aujourd’hui…
Vous voulez lire une autre histoire des noms de rues?
Grimaux, Edouard. « Jean-Charles GALISSARD DE MARIGNAC (1817-1894) ». Publié dans le Livre du Centenaire (Ecole Polytechnique), 1897, Gauthier-Villars et fils, TOME III. En ligne ici.
Vellas, Christian. Les rues qui racontent Champel-Florissant. Genève, Slatkine, 2012.
Vos, Anton. « Jean-Charles Galissard de Marignac. Le forçat de la chimie minérale ». Campus, n°102, 2011. En ligne ici.
Image 1: Photographie de l’auteure
Images 2 à 5: Domaine public, Wikipedia Commons.