Construite entre 1730 et 1735, la maison des Délices doit son nom et sa renommée à son plus célèbre occupant, Voltaire. Entre 1755 et 1758, alors qu’il cherche un lieu d’asile hors de la France et de la Prusse, il s’installe quelques années à Genève, avant de quitter la ville pour Ferney.
Lorsqu’il arrive à Genève en 1754, Voltaire a déjà 61 ans. Plus jeune, il vivait parmi les cercles littéraires et les milieux libertins parisiens, où il a écrit ses premières œuvres. Il devient ensuite historiographe du roi en1745, et siège à l’Académie française dès 1746.
Après la mort de sa maîtresse en 1749, l’échec d’une de ses pièces et des hostilités grandissantes entre lui et le roi Louis XV, Voltaire quitte Paris pour la Prusse. Il y séjourne de1750 à 1753, avant de se brouiller avec le roi Frédéric II de Prusse. Il cherche alors un nouveau lieu de séjour. Après un an et demi de voyage et d’escales, il arrive à Genève le 12 décembre 1754.
En 1755, Voltaire achète une demeure à Saint-Jean à l’intérieur des fortifications. Il la renomme «Les Délices», en l’hommage à la beauté des lieux et du paysage qui se déploie sous ses yeux (les Alpes, le lac, etc.). Il y reçoit une nombreuse société, et y fait construire une scène de théâtre.
Le goût de Voltaire pour cet art n’est alors pas partagé par les autorités genevoises, qui depuis deux siècles ne tolèrent plus les représentations théâtrales. Voltaire se trouve alors en désaccord avec le Conseil et le Consistoire de Genève. Ces tensions écourteront son séjour dans la cité. Il part dès 1758 et achète une propriété proche de Genève, mais hors de son influence, à Ferney. Il y recevra, jusqu’en 1778 (quelques mois avant sa mort), philosophes, artistes, ainsi qu’hommes et femmes de lettres.
Publiée en 28 volumes de 1751 à 1772 L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers de Denis Diderot et Jean Le Rond d’Alembert est un ouvrage majeur du XVIIIe siècle et la première encyclopédie française. En 1757, à la parution du Tome 7, on retrouve dans ses pages un article sur Genève.
L’influence de Voltaire se ressent, notamment dans un extrait sur les arts à Genève.
On ne souffre point à Genève de comédie. Ce n’est pas qu’on y désapprouve les spectacles en eux-mêmes, mais on craint, dit-on, le goût de parure, de dissipation & de libertinage que les troupes de comédiens répandent parmi la jeunesse. (« Genève », L’Encyclopédie, 1re éd., Tome 7, 1757).
Cet article envenime la situation entre Voltaire et le Consistoire au sujet de son théâtre. Il est aussi critiqué par plusieurs Genevois, dont Jean-Jacques Rousseau.
En 1765, la propriété des Délices est vendue au banquier Jean Robert Tronchin, qui avait servi d’intermédiaire pour que Voltaire puisse acheter la propriété quelques années auparavant. La famille Tronchin en reste propriétaire jusqu’en 1840. Après plusieurs péripéties, la Ville de Genève la rachète en 1929.
Entre ses murs est fondé l’institut et musée Voltaire en 1952 grâce à Theodore Besterman. Bibliographe et milliardaire, il met à la disposition de la Ville une partie de sa collection d’œuvres d’art, de manuscrits et d’archives relatives à Voltaire et au XVIIIe siècle. Le musée abrite la plus grande collection de manuscrits de Voltaire au monde et une collection d’œuvres liées à Voltaire et ses proches.
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Image 2 : Domaine public, Wikimedia Commons