Mettre en place des bains est depuis toujours une mesure de santé publique. Dès le Moyen Âge, les autorités genevoises ont accepté la construction d’étuves dans le quartier de Saint-Gervais, afin que la population ait accès à des lieux de bains et d’hygiène.
Les étuves médiévales sont les descendantes des thermes romains, attestés depuis le Xe siècle avant notre ère. Il faut cependant attendre le Ier siècle avant J.-C. et le début de l’empire romain pour que se construisent les premiers thermes publics qui peuvent accueillir une foule assez nombreuse.
Des thermes sont peu à peu créés dans toutes les villes de l’empire, et deviennent caractéristiques de la culture romaine. Ils sont des lieux d’hygiène corporelle et de soins du corps, accessibles à tous grâce à leur prix d’entrée très bas, voire gratuit pour les thermes construits sur ordre de l’empereur.
Si les thermes sont alors des lieux de mixité sociale, ils ne mélangent pas les hommes et les femmes, qui s’y rendent donc à des heures différentes. (Souvent, le matin pour les femmes et l’après-midi pour les hommes). Ce mélange de citoyens en fait également un lieu de sociabilité, où on discute, joue ou fait du sport.
Les étuves, ou bains chauds, connaissent un premier essor en Europe au XIIIe siècle. À Genève, elles sont attestées depuis le XVe siècle. À la même période, les baignades dans le lac, le Rhône et l’Arve sont interdites par plusieurs décrets. On craint les maladies que l’on pense liées à ces points d’eau, comme la peste qui sévit encore fortement au XVe siècle.
Les étuves de Genève se trouvent sur la rive droite, entre les fortifications du quartier de Saint-Gervais. C’est d’ailleurs dans ce quartier qu’une rue garde le souvenir de ces anciens bains.
Lieux d’hygiène très fréquentés de la population genevoise, ils connaissent leurs heures de gloires entre le XVe et le XVIe siècle. Ensuite, avec la Réforme, le Conseil de Genève et le Consistoire essayent tous deux de les faire fermer. Le premier pour éviter la propagation de maladie, le second car ces lieux ont une mauvaise réputation…
En effet, les étuves ne sont pas qu’un lieu de bain, mais aussi, à l’image des thermes romains, un lieu de sociabilité. Les bains sont mixtes, hommes et femmes s’y lavent ensemble. De plus, on y boit, mange, discute, en groupe, en couple ou en famille. Les étuves possèdent même des chambres, pour les voyageurs qui n’ont pas réussi à en avoir dans les auberges…
Ce qui amène fatalement les bains à être des lieux de mœurs légères. Des scènes de luxures et de débauches s’y déroulent fréquement. Les tenanciers des étuves embauchent des filles de joie pour satisfaire leur clientèle. L’interdiction de la prostitution entre les remparts de Genève qui sévit entre les XVe et XVIe siècles, soutenus ensuite par les Réformés, attirent peu à peu les prostituées dans les bains de la rive droite, moins surveillée. La condamnation morale des lieux, ainsi qu’une peur grandissante des maladies que l’on pensait transmissibles par l’eau (comme la peste ou la syphilis) amènent peu à peu la fermeture des bains au XVIIIe siècle. Il faudra ensuite attendre le XIXe siècle pour que s’ouvrent les bains publics sur le Léman, le Rhône et l’Arve, avec des visées médicales (comme les bains thérapeutiques de Champel) ou sportives (avec le début des cours de natation).
Mots-clés: Histoire Suisse et genevoise; Moyen Âge; Noms de rues
Vous voulez lire une autre histoire des noms de rues?
Illi, Martin, Heller, Geneviève. « Martin ». Dictionnaire historique de la Suisse, 17.12.2014. En ligne ici.
« Pourquoi existe-t-il une culture de la baignade en Suisse ? ». InterroGE¸ 10.08.2021. En ligne ici.
Reichen, Quirinus. « Bains ». Dictionnaire historique de la Suisse, 04.05.2017. En ligne ici.
Zimmermann, Pascale. « À l’eau, à l’eau! Les Genevois barbotent ». Tribune de Genève, 31.09.2019. En ligne ici.
Image 1: Photographies de l’auteure
Image 2 à 4: Domaine public, Wikimedia Commons