Inauguré en grandes pompes en septembre 1869, le monument national symbolise l’entrée à Genève dans la Confédération. Prévue à l’origine pour 1864, les troubles qui agitent la ville en août de cette année vont retarder la fête de 5 ans.
Le XIXe siècle est traversé par de nombreux mouvements nationalistes partout en Europe. Ils tentent de prouver la légitimité des états en créant une identité commune à tous les habitants d’un même pays. Langue, mœurs, histoire, traditions… Tous les arguments sont bons pour montrer sa légitimité et sa force par rapport aux autres.
La Suisse connaît aussi de forts mouvements nationalistes, mais avec une différence de taille. Avec quatre langues nationales, des pouvoirs significatifs laissés aux cantons, des mœurs et des traditions qui varient selon les régions, rien ne paraît unifier les Suisses sous une même identité.
Par conséquent, elle doit trouver une force pour résister face aux pays qui l’entourent. Ainsi, les cantons se lient entre eux par des alliances défensives. En 1848, une constitution transforme ces associations en un État fédéral.
La création d’un monument national pour souder cette constitution fait donc consensus. Montrer son rattachement à la Suisse après une période française, se défaire de son particularisme… Genève a de nombreux arguments en faveur de la mise en place d’un symbole fort qui l’allie à la Confédération.
Dès 1863, la question de la construction d’un monument montrant le rattachement de Genève à la Suisse est abordée. On crée un comité central pour s’occuper de cette tâche. Il est prévu d’inaugurer le monument en septembre 1864, pour le 50e anniversaire de l’entrée de Genève dans la Confédération.
Cependant, le 22 août 1864, les résultats des élections genevoises créent des émeutes et une fusillade éclate. Le comité retarde le projet de 5 ans.
Le projet est mis au concours, et est remporté par Robert Dorer sculpteur de Baden (Argovie). Son projet « Un pour tous, tous pour un » prévoit une statue de deux femmes, symboles de la République de Genève (avec le bouclier) et d’Helvetia (allégorie de la Suisse). Tournée vers le lac, elles regardent ensemble en direction de la Suisse. Avant son inauguration, la statue était enfermée dans une boîte pour ne pas être dévoilée avant le jour J.
L’inauguration du monument s’inscrit au centre d’une grande fête patriotique. Avec un programme de deux jours, la fête réunit une foule massive au centre de Genève.
Le 20 septembre, à 6h du matin, des salves d’artilleries et des sonneries de cloches annoncent le début des réjouissances. Un cortège part de l’Hôtel-de-Ville à 9h et traverse les rues jusqu’au monument dévoilé. Après trois discours au bord du lac, plusieurs banquets, officiels ou populaires sont organisés dans la ville.
L’après-midi, les officiels font une promenade en bateau organisée par la Société de la Navigation. Le soir, des concerts publics ont lieu dans toute la ville. Ensuite, une fête a lieu sur le lac, composée de feux d’artifice et de reproductions de combats navals. Un grand bal public au Bâtiment électoral termine cette première journée. Il dure jusqu’à l’aube.
La deuxième journée est annoncée comme la première par des sonneries de cloches à 6h. Cependant, elle ne commence qu’à midi, après la remise des prix du Tir national. Puis, une fête de la jeunesse est organisée, suivi d’un cortège historique. Le soir, une retraite aux flambeaux se met en place, avant une illumination générale de la rade et de la ville, qui clôt ces deux jours de fêtes.
Mots-clés: Histoire Suisse et genevoise; Monuments
Vous voulez connaître l’histoire d’un autre monument?
Journal de Genève, édition du 20 septembre 1869. En ligne sur : https://letempsarchives.ch/page/JDG_1869_09_21/1
Goncerut, Véronique. Une entreprise patriotique à Genève au XIXe siècle : le monument national et son inauguration, 1863-1870. Genève, Université de Genève, 1996.
Image 1 : Pixabay
Images 2 et 3 : photographies de l’auteure