Le 4 décembre 1872, David Morehouse, capitaine du Dei Gratia, navigue près des Açores et repère un navire à 10 kilomètres. Il envoie des signaux, auxquels personne ne répond. Les bateaux se rapprochent, le nom de l’autre vaisseau devient visible. C’est la Mary Celeste, un navire qui, comme le Dei Gratia, a quitté New York il y a peu. Deux hommes d’équipage de Morehouse se rendent à bord de la Mary Celeste. Le gréement est endommagé, la cale est partiellement inondée mais le navire est toujours en état de naviguer. Sa cargaison est quasiment intacte. Il ne manque ni vivres, ni objets de valeur. Mais il n’y a plus aucun équipage à bord…
À l’origine, la Mary Celeste se nommait l’Amazon. Baptisé en 1861, c’est un brigantin canadien racheté par des armateurs américains en 1868. Le vaisseau est alors rebaptisé la Mary Celeste. Le 7 novembre 1872, elle quitte New York pour Gênes avec à son bord 7 hommes d’équipage. Aux commandes se trouve le capitaine Benjamin Briggs, qui voyage avec sa femme et sa fille. Le bateau transporte 1’701 tonneaux d’alcool dénaturé (sorte d’éthanol). Juste avant son départ, Briggs écrit à sa mère pour lui indiquer qu’il va prendre la mer quelques jours plus tard. Il lui dit : « Notre vaisseau est en parfaite condition et j’espère que nous aurons une belle traversée ».
Le Dei Gratia quitte New York 8 jours plus tard pour Gibraltar avec une cargaison de pétrole. Il emprunte la même route.
Le mercredi 4 décembre 1872 vers 13h, David Morehouse se trouve entre les Açores et la côte portugaise. Les mouvements en zigzag de la Mary Celeste et la disposition inhabituelle de ses voiles l’intriguent. Les hommes qu’il envoie à bord découvrent un vaisseau abandonné, alors qu’il est en état de naviguer. Les cales sont pleines, aucun objet de valeur ne manque. Les cabines sont en ordre, et celle du capitaine contient encore ses objets personnels. On y trouve entre autres un piano et son sabre encore dans son fourreau. La cuisine est rangée, et pleine de provisions. Il n’y a aucun signe apparent d’incendie ou de violence. Cependant, tout indique que l’équipage a abandonné précipitamment le navire.
Même si le gréement est endommagé et qu’il y a 1 mètre d’eau dans le fond du bateau, aucun dommage n’est dramatique et ne justifie cet abandon. Il manque une chaloupe de sauvetage, probablement utilisée par l’équipage pour fuir. Toutefois, on ne retrouvera jamais ces 10 personnes perdues en mer.
Malgré les risques, Morehouse remorque le navire jusqu’à Gibraltar, et ses hommes d’équipage se divisent pour naviguer sur les deux vaisseaux. Selon le droit maritime, le capitaine peut espérer une belle part de la valeur du navire et de la cargaison, dépendant des risques encourus pour le sauvetage.
L’audience au tribunal pour juger du sort de la Mary Celeste et des causes de la disparition de ses occupants débute le 17 décembre 1872. La procédure est longue, le juge demande un examen complet du bateau. De très nombreuses théories sont abordées puis rejetées, concernant des potentielles mutineries, actes de piraterie ou tentatives de fraude à l’assurance. Écartant toute explication criminelle sans pour autant réussir à définir ce qui s’est passé, le tribunal fait reprendre la mer à la Mary Celeste en mars 1873 pour qu’elle retourne aux États-Unis. Le 8 avril, il est décidé que les sauveteurs recevront 1/5 de la valeur du navire et de sa cargaison, bien moins que ce que Morehouse espérait.
Depuis, plusieurs théories sont venues étayer les hypothèses sur les raisons d’abandon de la Mary Celeste. Tremblement de mer, violente trombe d’eau, risques d’inondations ou d’incendie sur le navire… Néanmoins, aucune explication n’a jamais fait l’unanimité, et la désertion, comme la disparition de l’équipage, sont toujours un mystère.
Peut-être cela porte-t-il vraiment malheur de rebaptiser un bateau, comme l’affirme les légendes de vieux marins…
Mots-clés: Anecdotes historiques
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« La Mary Celeste », Arte, Invitation au voyage, reportage du 1er mars 2022, https://www.arte.tv/fr/videos/108036-002-A/la-mary-celeste/
« Le Mystère de la Mary Celeste », Radiofrance, Autant en emporte l’histoire, podcast du 13 novembre 2016, https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/autant-en-emporte-l-histoire/le-mystere-de-la-mary-celeste-1583078
Yves Van Langendonck. Le « Mary Celeste » : vaisseau maudit ou bateau fantôme, Alleur, Marabout, 1996, 182 p.
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