Femme d’affaires active à Genève entre la fin du XVIe et le début du XVIIe siècle, Michelle Nicod est une imprimeuse importante de l’histoire de la cité. Morte à presque 100 ans, elle a passé la majeure partie de sa vie à la Madeleine, dans le magasin de son mari qu’elle a géré seule de 1588 à 1618.
L’histoire de l’imprimerie à Genève est fortement liée à celle de la Réforme. Avant 1540, on imprime environ 5 livres par année dans la ville. Ce nombre grimpe à 20 livres en 1544, et à 75 en 1561. Même si la censure existe à Genève, elle est à cette époque moins sévère qu’en France. De nombreux livres interdits dans le royaume voisin sont imprimés à Genève, ce qui fait fleurir ce commerce. L’imprimerie est également un métier exercé par beaucoup de protestants français venus trouver refuge dans la cité de Calvin.
Au XVIe siècle, on imprime beaucoup de Bibles, de psautiers et de textes théologiques. Avec 34 presses à Genève, l’imprimerie est l’une des trois plus grandes industries de la ville, avec le textile et l’orfèvrerie. L’horlogerie n’est alors pas encore un secteur très exploité.
Même si la majorité des textes sont religieux, la plupart des livres sont imprimés en français (bien plus qu’en latin, en grec ou en hébreu). L’imprimerie doit ainsi beaucoup à la Réforme, mais la Réforme a également pris son essor grâce à l’imprimerie…
Michelle Nicod est née vers 1519 à Cumigny en France. Elle fait partie des nombreux imprimeurs exerçant leur métier dans la cité calviniste. On ne connaît pas sa vie avant 1556, date de son mariage à Genève avec Jean Durant, libraire. Tous les deux ont fui les persécutions religieuses françaises. Ils travaillent ensemble dans la librairie de Jean près du temple de la Madeleine, et ont 3 enfants.
Jusqu’en 1588, date du décès de Jean, les deux époux gèrent ensemble leur commerce, qui connaît quelques difficultés. Le nom de Jean Durant apparaît plusieurs fois dans les archives, où il est jugé pour avoir commercialisé des livres mal imprimés. Cela ne l’empêche pas d’obtenir une certaine reconnaissance pour son travail. De plus, il voyage beaucoup pour ses affaires, laissant la librairie dans les mains de sa femme.
A la mort de son mari, Michelle reprend seule la libraire, et élargit son secteur d’activité. Elle est désormais libraire, éditrice, et tient également un atelier de reliure et une imprimerie. Elle édite de nombreux livres : poèmes, ouvrages médicinaux, manuels scolaires, psaumes, etc. L’imprimeuse publie ces textes sous le nom de « Veuve Durant », avant d’utiliser le nom de « Michelle Nicod » dès 1593.
Elle gère donc la production des livres de leur impression jusqu’à la vente. Elle se remarie à 73 ans en 1592 avec le notaire Olivier Dagonneau, mais gère seule ses affaires, sauf pour les contrats qu’elle ne peut légalement pas négocier seule.
En 1599, 1609 et 1617, Michelle Nicod reçoit du Petit Conseil le mandat d’imprimer les Ordonnances de la cité de Genève. Ce privilège obtenu à plusieurs reprises montre à la fois l’excellente réputation de Michelle Nicod et son insertion sociale dans la ville. Ces mandats font d’elle l’imprimeuse officielle de la République ces années-là.
En 1610, à plus de 90 ans, elle entre à l’Hôpital comme pensionnaire, en raison de son âge. Cependant, après un conflit avec l’institution, elle rentre chez elle et retourne à ses affaires. L’Hôpital retient alors certains de ses biens en gage pour des frais non payés. Michelle Nicod redouble d’efforts et travaille dur pour rembourser ses dettes. Elle poursuit ses activités à la Madeleine jusqu’à sa mort en 1618. Elle est alors âgée de 99 ans.
Mots-clés: Histoire Suisse et genevoise; Noms de rues
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Burri, Joël. « L’imprimerie, une économie majeure pour Genève », Réformés.ch, 28.08.2017. En ligne ici.
Lescaze, Bernard, « Michelle Nicod », in Deuber Ziegler, Erica, Tikhonov, Natalia (dir.), Les femmes dans la mémoire de Genève, du XVe au XXe siècle, Genève, Susan Hurter, 2005, p. 48-49.
Mottu-Weber, Liliane. « Michelle Nicod », Dictionnaire historique de la Suisse, URL : https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/029278/2008-08-05/
Schweizer, Nikita, Dubois, Anne-Lydie et Solfaroli Camillocci, Daniela. « Michelle Nicod », 100Elles. En ligne ici.
Image 1 : Pixabay
Image 2 : Photographie de l’auteur
La troisième image est tirée des archives de la Bibliothèque de Genève : Ordonnances de la cité de Geneve, sur la reformation, estat, et police d’icelle. Reveuës par nos treshonnorés seigneurs, le 25. de janvier 1600. et publiées le 30. dudit mois. [Genève] : pour Michelle Nicod, 1600. Bibliothèque de Genève, BGE Ctf 7222, Domaine public.
Une réponse
99 ans ! Une sacrée femme, qu’elle histoire ! 💪 Merci pour ces rubriques noms de rues, toujours un gros kiff 😀