Sur le chemin de l'histoire

L’histoire de Genève à travers ses noms de rues

Dans la campagne genevoise

Qui a peur du grand méchant loup ?

Animal aux nombreuses symboliques, le loup fascine les hommes depuis des millénaires. À la fois antagoniste des contes de fées et peur réelle des habitants des campagnes, il est omniprésent dans l’imaginaire et la vie quotidienne du Moyen Âge et de l’époque moderne. À Genève, il est resté présent dans la toponymie, bien qu’il ait disparu du canton au XIXe siècle.

Gentil loup et méchant loup

Dans l’Antiquité, le loup n’est pas perçu de manière négative. Il est un symbole de protection et de fertilité, notamment avec l’image de la louve élevant Remus et Romulus à Rome. Chez les Celtes et les Vikings, le loup est glorifié pour sa force. Dans les sagas scandinaves, les guerriers partent au combat avec une peau d’ours ou de loup sur leurs épaules pour les rendre invincibles.C’est à la chute de Rome, période de troubles, que le loup commence à avoir une image négative. Dans l’insécurité grandissante, l’Eglise fait du loup, comme des autres animaux nocturnes, une figure du diable.
Il n’aura alors de cesse que d’hanter l’imaginaire collectif, surtout dès le XIVe siècle. A cette époque, le climat se dérègle, et tout le monde a faim… y compris les loups. Ils deviennent plus nombreux en campagne, et se rapprochent aussi des villes. Ils entrent même dans Paris en 1421.


Du XIVe au XIXe siècle, le loup va terrifier les populations rurales, en attaquant villageois et troupeaux. Cette peur réelle va de pair avec les contes, superstitions et chansons qui mettent en scène le « grand méchant loup » et alimentent la peur du loup. Elle atteint son apogée au XVIIIe siècle, avec les faits divers liés à la Bête du Gévaudan.
Avec l’apparition des armes à feu et la découverte du vaccin contre la rage, la peur du loup recule. En effet, on se défend mieux contre lui, et ses attaques deviennent moins mortelles. Son image est même revalorisée au XXe siècle, lorsque le loup disparaît du paysage. Il passe ainsi du dévoreur du Petit Chaperon rouge et du Loup et les Sept chevreaux au loup élevant Mowgli dans le Livre de la jungle et à l’animal en peluche inoffensif.

Le loup et les noms de rues genevois

L’histoire du loup en Suisse

Dès le XVIIe siècle, le loup se fait de plus en plus rare sur le Plateau suisse. Cependant, il est très présent dans les Alpes et le Jura jusqu’au XIXe siècle. Il est très fréquemment cité dans la presse du XIXe siècle, pour ses attaques et ses incursions. On offre même de fortes récompenses pour sa capture :

Un énorme loup a été tué près de St-Georges. Nos montagnes en sont remplies cette année, des bestiaux ont été enlevés dans diverses communes. […]. Plusieurs permis de chasse spéciaux ont déjà été demandés à M. le préfet de Nyon. Les primes que l’Etat décerne sont de 60 fr. de Suisse pour une louve, 45 fr. pour un loup et 25 fr. pour un louveteau. (Journal de Genève, 20.01.1842)

A la fin du XIXe siècle, le loup disparaît de Suisse. Le dernier loup indigène est abattu au Tessin en 1871. Il ne réapparaît que de manière épisodique durant plus d’un siècle. En 1995, les premiers loups reviennent sur le territoire suisse. Ils sont désormais considérés comme une espèce protégée, depuis la « Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe » signée à Berne en 1979. Aujourd’hui, on compte environ 80 loups en Suisse, répartis en une dizaine de meutes.

les rues de Genève

Le loup à Genève

A Genève, on observe des loups en campagne jusqu’en 1870. Ils sont cependant rares au XIXe siècle. Toutefois, plusieurs témoignages indiquent qu’on les voyait régulièrement en hiver au XVIIIe siècle, et qu’ils attaquaient les enfants des paysans. Entre battues, pièges et morceaux de viande empoisonnée disséminés dans les bois, le loup finit par disparaître du canton.

Cependant, son ancienne présence et son histoire sont toujours visibles grâce à la toponymie genevoise. Dix communes possèdent des rues dont le nom évoque le loup, qui ne semble cependant pas avoir franchi les remparts de la Ville. De la simple évocation (la Rue du Loup, le Chemin du Loup, le Loveré, etc.) au lieu-dit (le Champs-du-Loup, le Creux-du-Loup, Trapas-Loup…), le loup a désormais trouvé une autre façon de revenir à Genève.

les rues de Genève
Le loup dans les rues de Genève

Vous voulez lire une autre histoire des noms de rues?

Partagez l'article ici

Sources

« Les Suisses et le loup : une fable houleuse ». Le Temps, émission « Entretemps », 06.09.2020. En ligne ici.

« Quand on parle du loup avec Michel Pastoureau », RTS – Religion, émission « Faut pas croire », 27.09.2021. En ligne ici

Rüf, Isabelle. « Michel Pastoureau sur la piste du loup, notre meilleur ennemi ». Le Temps, 25.11.2018. En ligne ici.

Noms géographiques du canton de Genève: https://noms-geographiques.app.ge.ch/

Images

Images 1, 3, 4 et 5: Photographies de l’auteure

Image 2 : Pixabay

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *