Sur le chemin de l'histoire

L’histoire de Genève à travers ses noms de rues

En passant par Carouge

Blavignac et l’Emprô genevois

Architecte, historien, archéologue et héraldiste, Jean-Daniel Blavignac est un genevois aux multiples facettes. Né en 1817 à Genève, il est connu pour la construction de plusieurs fontaines et bâtiments. Il a également produit une littérature fournie sur de nombreux sujets en lien avec sa ville.

Tours et fontaines

Genevois au parcours singulier, Blavignac a commencé sa carrière d’architecte en participant à la rénovation de la cathédrale Saint-Pierre. Il a également effectué des fouilles durant cette restauration. Ces travaux développent chez lui un grand intérêt pour l’archéologie et l’histoire. Il devient un spécialiste de l’architecture sacrée. Il se démarque aussi pendant la restauration d’autres édifices religieux. On peut citer en exemple celles du temple du Grand-Saconnex et de l’église Saint-Loup à Versoix.

Il est par la suite particulièrement actif à Carouge. En effet, il devient en 1869 directeur des eaux de Carouge. Dans les années 1860, les Genevois commencent à avoir l’eau courante. De l’autre côté de l’Arve, la cité sarde a au contraire de gros déficits en eau potable. Les autorités font alors installer une machine hydraulique et poser les premiers tuyaux de plomb. Blavignac construit ensuite quatre fontaines monumentales sur la commune. Elles sont désormais classées monuments historiques.

Jean-Daniel Blavignac et Emprô genevois

Parmi les travaux les plus importants de Jean-Daniel Blavignac, on compte un monument resté célèbre sous le nom de son architecte : la Tour Blavignac. Construite à Plainpalais entre 1858 et 1862, il s’agit d’une habitation que le Genevois a construit pour lui-même. Malheureusement, ses difficultés financières l’ont contraint à la vendre dès la fin de sa construction en 1862.

Dans ces deux lieux où ses constructions sont encore visibles aujourd’hui, les noms de rues rendent hommages à Blavignac. À Plainpalais, la tour se trouve entre « le boulevard de la Tour », « la rue de la Tour » « le passage de la Tour », appellations qui témoignent de l’importance du bâtiment dans le paysage genevois. Quant à l’architecte, il a donné son nom à une rue carougeoise.

Jean-Daniel Blavignac et Emprô genevois
Jean-Daniel Blavignac et Emprô genevois

Les écrits de Blavignac

Homme curieux et aux multiples passions, Blavignac a laissé de nombreux écrits sur l’histoire et l’archéologie genevoise. Nous avions brièvement mentionné ses travaux d’archéologie en parlant de la Pierre-à-Bochet. En matière d’archéologie, il a laissé un ouvrage majeur : L’Histoire de l’architecture sacrée du IVe au Xe siècle dans les anciens évêchés de Genève, Lausanne et Sion (1853). Également historien et fasciné d’héraldique, Blavignac a publié plusieurs ouvrages historiques : Armorial genevois (1849) ou encore Études sur Genève depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours (1872).

L’Emprô genevois

Parmi les études historiques de Blavignac, l’une des plus célèbres concerne…une comptine ! Vous connaissez sûrement « Am Stram Gram, Pic et pic et colégram ». Mais peut-être ignorez vous que les Genevois ont longtemps eu leur propre comptine similaire : l’Emprô.

Emprô, Girô, Carin, Caro, Dupuis, Simon, Carcaille, Brifon, Piron, Labordon, Tan, Té, Feuille, Meuille, Tan, Té, Clu.

En 1865, Blavignac publie sa première version de L’Emprô genevois (réédité en 1874 puis en 1879, soit 3 ans après sa mort en 1876). Dans cet ouvrage, il compare cet Emprô à des comptines de la même époque et à d’autres plus anciennes. L’Emprô fait, selon ses écrits, partie intégrante de la culture et de l’identité genevoise. Pour preuve, je vous cite quelques mots l’introduction du livre de Blavignac de 1865. Dans ce texte, ce dernier écrit un dialogue entre plusieurs Genevois émigrés en Amérique :

-Vous êtes Genevois, la preuve ?
-J’ai mes papiers.
-Nous n’en voulons point. Si vous êtes enfant de Genève, récitez votre Emprô.
Et sa signification ?

« Emprô » dérive probablement du latin « in principio », qui signifie « en premier lieu ». Le mot « giro » vient de « girer », qui veut dire « tourner, faire des cercles » (comme dans le mot girouette). La suite est une liste de noms genevois typiques de l’époque, qui pouvait être modifiée pour contenir ceux des joueurs. La fin de la comptine, qui signifie « tant est la feuille mouillée, qu’enfin elle tombe », est un proverbe aujourd’hui oublié équivalent à « tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse » …

En premier lieu, plaçons-nous en cercle. Carin, Caro, Dupuis, Simon, Carcaille, Brifon, Piron, Labordon. Tant est la feuille mouillée qu’enfin tout est fini !

Jean-Daniel Blavignac et Emprô genevois

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Sources

Gaudy-Le Fort, Jean-Aimé, Blavignac, Jean-Daniel. Glossaire genevois. Genève, Slatkine, 2001.

Bibliographie

Brulhart, Armand. « Blavignac, Jean-Daniel ». Dictionnaire historique de la Suisse, 05.10.2004. URL: https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/019460/2004-10-05

El-Wakil, Leïla. « Les grandes eaux de Carouge ou petite histoire des fontaines de Blavignac (1867-1868) ». Des hommes, une ville. Carouge au XIXème siècle. Éditions La Ligature, Carouge, 1986, pp.125-159.

Noms géographiques du canton de Genève

Images

Images 1 à 4: Photographies de l’auteure

Image 5: Portrait de Jean-Daniel Blavignac, Bibliothèque de Genève. Domaine public, Wikipedia Commons

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