À la rue Vallin, en face du Temple de Saint-Gervais, on peut admirer un bas-relief qui fait honneur au passé du quartier. L’Atelier de Paul Bianchi, réalisé en 1958, rappelle ainsi l’histoire des horlogers et artisans de Saint-Gervais, ainsi que de l’un de leur plus célèbre habitant…
Le bourg de Saint-Gervais est indépendant de Genève jusqu’au XIIIe siècle. Cependant, il n’y est définitivement attaché qu’en 1526, lors de l’indépendance de la cité et la construction des remparts qui englobent désormais les deux rives du lac. Relié au reste de la ville par un unique pont, Saint-Gervais conserve une identité campagnarde, relative à son passé agricole. L’ancien bourg se densifie avec l’arrivée des réfugiés protestants au XVIIe siècle, qui apportent avec eux leur savoir-faire qui fera, par la suite, la renommée de Genève.
Dès le XVIIe siècle, Saint-Gervais devient donc un important lieu d’artisanat, notamment dans le domaine de l’horlogerie. C’est à cette époque que naît «La Fabrique». C’est sous ce terme que l’on désigne l’ensemble des entreprises indépendantes liées à l’horlogerie genevoise. La division minutieuse de tous les corps de métiers liés à l’horlogerie va mener à leur spécialisation. Ainsi, au XVIIIe siècle, de très nombreux artisans genevois forment leurs apprentis à un aspect spécifique de l’industrie horlogère qui fait la renommée de la ville (fabrication des chaînettes, des boîtes, polissage des montres, émaillerie, etc.).
En 1957, la Ville de Genève lance un concours pour la création d’un bas-relief sur la façade d’un immeuble en rénovation de la rue Vallin. Ce dernier est remporté par Paul Bianchi, un sculpteur grisonnais qui a fait ses classes à l’École des beaux-arts de Genève. Il a 37 ans lorsqu’il présente son projet L’Atelier, qui rend hommage au passé artisanal et horloger de Saint-Gervais.
Le bas-relief est exécuté un an plus tard en 1958. On y voit un maître avec son apprenti, entouré de nombreux objets indispensables à la pratique de leur métier. Par exemple, une lampe se trouve au-dessus de la tête de l’apprenti. Le maître, quant à lui, a un compas au-dessus de sa tête, ainsi que de l’or dans la main, matière première indispensable pour la fabrication des boîtes de montres.
Deux hypothèses existent sur l’identité du maître, mais celle de l’apprenti fait l’unanimité. Il s’agit de Jean-Jacques Rousseau! S’il est resté célèbre pour sa philosophie, il a d’abord commencé comme apprenti graveur chez Abel Ducommun. Cet artisan de la Fabrique exerçait alors à la rue des Étuves. Les rapports entre Ducommun et Rousseau sont tendus. Ils ont peu d’années d’écart (étant âgés de 20 et 13 ans), et Rousseau ne supporte pas le comportement violent de son formateur.
La figure du maître est alors plus volontiers attribuée au père de Jean-Jacques, Isaac Rousseau. Ce dernier est alors aussi un artisan de la Fabrique. Il est horloger, tout comme son père et son grand-père. Il a exercé son métier à Saint-Gervais, mais aussi à Nyon et même en Turquie.
Vous voulez connaître l’histoire d’un autre monument?
Chaix, Benjamin. « Une scène d’atelier à Saint-Gervais ». Tribune de Genève, 12.11.2020. En ligne ici.
Hildebrand, Rémy. « En mémoire de l’apprenti Rousseau». Tribune de Genève, 26.04.2017. En ligne ici.
« Quels sont l’auteur et le sujet du bas-relief figurant sur le bâtiment de la rue Vallin à l’angle avec la place Simon-Goulart à Genève ?». Interroge, 19.08.2020. En ligne ici.
Images 1, 3 et 4 : photographies de l’auteure
Image 2 : Bibliothèque de Genève, Domaine public, Wikimedia Commons