Dans la soirée du 9 novembre 1932, lors d’un rassemblement controversé du parti genevois d’extrême droite, des manifestants de gauche se regroupent aux portes de la salle de réunion à Plainpalais. Devant un attroupement de plus en plus nombreux et agité, l’armée présente sur les lieux pour faire face à d’éventuels débordements, réagit en tirant dans la foule. Le bilan de cette soirée sanguinaire est affolant: 13 morts et 65 blessés.
Les années 1930 à Genève sont le théâtre de tensions et de violences entre les partis de gauche et de droite. Une majorité de sièges du Grand Conseil est occupée par le Parti socialiste, qui n’est pas du tout représenté au Conseil d’État. Le climat politique est tendu. Des scandales éclatent et la crise économique est plus forte que jamais. Elle atteint en effet un taux de chômage de 8.5%, et moins d’un chômeur sur cinq reçoit de l’aide des caisses d’assurance.
C’est dans ce contexte que Georges Oltramare fonde son propre parti d’idéologie fasciste. Il fusionne ensuite avec un autre parti genevois issu des milieux patronaux, pour former l’Union nationale. Il s’oppose directement et ouvertement au Parti socialiste de Léon Nicole et Jacques Dicker qui sont tous les deux partisans de l’unité d’action avec les communistes.
Dans la nuit du 5 au 6 novembre, une affiche de l’Union nationale est placardée annonçant la mise en accusation publique des dirigeants socialistes Nicole et Dicker, le 9 novembre à 20 h 30 à la salle communale de Plainpalais. Le Parti socialiste demande l’interdiction de ce rassemblement. Celle-ci est refusée. En réponse à cela, les socialistes décident de se rassembler dans une contre-manifestation devant et dans la salle communale. Ils distribuent 300 sifflets pour rendre inaudibles les discours des adversaires.
Le 9 novembre au matin, le Conseil d’État, avisé par le chef de la police que le canton ne dispose que d’effectifs réduits pour faire face aux éventuels débordement (241 gendarmes, 48 gardes ruraux et 62 agents de sûreté) décide de faire appel à l’armée. C’est l’école de recrues de Lausanne (610 recrues et une trentaine d’officiers) qui doit assurer cette mission. On annonce aux troupes que la révolution a éclaté à Genève et on leur remet des cartouches à balles réelles. Quatre soldats refusent d’obéir. L’armée les met immédiatement aux arrêts.
En fin d’après-midi, les premiers contre-manifestants arrivent à Plainpalais. Léon Nicole, juché sur les épaules d’un militant, harangue la foule et échauffe les manifestants. À 20 h 30, la réunion de l’Union nationale débute comme prévu, mais les socialistes forcent les barrages. 45 minutes plus tard à 21 h 15, la première compagnie composée de 108 hommes se dirige vers la salle communale afin d’aider la gendarmerie.
À 21 h 34, la troupe acculée contre la façade du Palais des expositions par 150 manifestants ouvre le feu sur l’ordre du premier-lieutenant avec l’approbation du major. Après 12 secondes de tirs, 10 personnes sont mortes à terre et 65 sont blessées (3 mourront par la suite de leurs blessures). La foule se disperse rapidement alors que des barrages de policiers et de soldats se mettent en place, équipés de fusils mitrailleurs.
Il s’agit du dernier cas où l’armée a été envoyée à l’encontre de manifestants en Suisse.
Vous voulez lire un autre article « un jour une histoire »?