Les recettes historiques

La cuisine à travers les siècles

À la table des rois

Le chocolat chaud de Louis XV

Connu en Europe depuis le XVIe siècle, le cacao est à cette époque surtout consommé en boisson chaude. Le chocolat chaud devient vite un mets adopté par les élites et la royauté. Produit de luxe, il est bu à la table des rois, qui en ont parfois une consommation excessive.

Le chocolat et la royauté française

Le cacao, découvert chez les Aztèques, voyage jusqu’en Europe grâce à Hernán Cortés. Il est d’abord exclusivement connu des Habsbourg. Il arrive en France dans les bagages d’Anne d’Autriche, qui vient épouser Louis XIII en 1615. Cependant, le chocolat ne se diffuse qu’à partir de sa régence, à la mort de son mari. Nous sommes alors en 1643.

Produit de luxe et de prestige, le chocolat reste surtout une boisson royale, et n’est que très peu connu hors de Paris. Louis XIV n’est pas très friand de cette boisson, contrairement à sa femme, Marie-Thérèse d’Autriche. Cependant, cela ne l’empêche pas d’ordonner la culture des fèves de cacao dans les Antilles françaises.

Contrairement à son arrière-grand-père, Louis XV est un grand amateur de chocolat, tout comme ses favorites. Il en prend tous les jours au petit déjeuner. Il arrive d’ailleurs que le roi prépare lui-même son chocolat dans les cuisines de ses appartements.

En 1770, lorsque Marie-Antoinette épouse Louis XVI, elle arrive à la Cour de Versailles avec son propre chocolatier. Elle lui confère alors le titre officiel de « Chocolatier de la Reine ». Celui-ci invente des nouvelles recettes et mêle le chocolat à la fleur d’oranger ou à l’amande douce. Cependant, la plupart du temps, la reine boit son chocolat battu avec de la crème fraîche… et accompagné de brioche !

Le chocolat chaud de Louis XV

Comment se présente le cacao à l’époque moderne ?

Durant l’Ancien Régime, on consomme surtout le cacao sous forme de chocolat chaud. On prépare de la pâte de cacao avec les fèves. Puis, on y ajoute du sucre de canne et des épices, avant de presser la pâte dans des moules en bois ou en étain. De ces moules sortent ainsi des plaques de chocolat, que l’on coupe ensuite en large copeaux.

On laisse ensuite fondre ces copeaux dans de l’eau (ou du lait) dans une chocolatière, avant de faire mousser le tout grâce à un moulinet. Le chocolat chaud est alors prêt à être déguster.

Le chocolat est ainsi un breuvage très épais, que l’on accompagne généralement d’un verre d’eau…

La vision dichotomique du cacao

À l’image de la mode, le discours autour du chocolat change régulièrement. Adulé un jour, il peut être dénigré le lendemain, Ce côté binaire de la vision du chocolat nous est entre autres décrit par la marquise de Sévigné. En plus de la mode, elle parle régulièrement du chocolat à sa fille, et son discours varie souvent :

On peut lire le 11 février 1671

Mais vous ne vous portez point bien, vous n’avez point dormi. Le chocolat vous remettra…

Puis le 15 avril 1671

Le chocolat n’est plus avec moi comme il était : la mode m’a entraînée, comme elle fait toujours. Tous ceux qui m’en disaient du bien m’en disent du mal ; on le maudit, on l’accuse de tous les maux qu’on a ; il est la source des vapeurs et des palpitations ; il vous flatte pour un temps, et puis vous allume tout d’un coup une fièvre continue, qui vous conduit à la mort […] Au nom de Dieu, ne vous engagez point à le soutenir ; songez que ce n’est plus la mode du bel air.

Un mois plus tard, le 13 mai 1671

Je vous conjure, ma très-chère bonne et très-belle de ne point prendre de chocolat. Je suis fâchée contre lui personnellement. Il y a huit jours que j’eus seize heures durant une colique et une suppression qui me fit toutes les douleurs de la néphrétique.

Puis, le 25 octobre, toujours en 1671

J’ai aimé le chocolat comme vous savez ; mais il me semble qu’il m’a brûlée, et, de plus, j’en ai bien entendu dire du mal ; mais vous dépeignez et vous dites si bien les merveilles qu’il fait en vous, que je ne sais plus que dire.

[…] La marquise de Coëtlogon prit tant de chocolat, étant grosse l’année passée, qu’elle accoucha d’un petit garçon noir comme un diable, qui mourut.

Et trois jours après, le 28 octobre 1671

J’ai voulu me raccommoder avec le chocolat ; j’en pris avant-hier pour digérer mon dîner, afin de bien souper, et j’en pris hier pour me nourrir, et pour jeûner jusqu’au soir : il m’a fait tous les effets que je voulais ; voilà de quoi je le trouve plaisant, c’est qu’il agit selon l’intention.

Enfin, un dernier exemple, le 15 janvier 1672

Je vous trouve si parfaite et dans une si grande réputation, que je ne sais que vous dire, sinon de vous admirer, et de vous prier de soutenir toujours votre raison par votre courage, et votre courage par votre raison, et prendre du chocolat, afin que les plus méchantes compagnies vous paraissent bonnes.

Le chocolat chaud de Louis XV

Louis XV et le chocolat chaud

Comme nous l’avons dit, Louis XV est un grand amateur de chocolat. C’est sous son règne que parait l’ouvrage Les Soupers de la Cour ou l’Art de travailler toutes sortes d’aliments pour servir les meilleures tables suivant les quatre saisons. Œuvre de Joseph Menon, il a connu, comme plusieurs de ses livres, de nombreuses contrefaçons, traductions et éditions, preuves de son succès. Parmi les recettes des Soupers de la Cour, on trouve de nombreuses recettes avec du chocolat. Crème, mousse, glace, biscuits, massepain, ou encore des pommes au chocolat ! Une autre recette explique comment préparer du chocolat chaud. Elle est restée dans les mémoires comme « Le chocolat chaud de Louis XV ».

La recette du jour

Du chocolat

Vous mettez autant de tablettes de chocolat que de tasses d’eau dans une cafetière et les faites bouillir à petit feu quelques bouillons. Lorsque vous êtes prêts à le servir, vous y mettez un jaune d’œuf pour quatre tasses et le remuez avec le bâton sur un petit feu sans bouillir. Si on le fait la veille pour le lendemain, il est meilleur, ceux qui en prennent tous les jours laissent un levain pour celui qu’ils font le lendemain. L’on peut à la place d’un jaune d’œuf y mettre le blanc fouetté après avoir ôté la première mousse. Vous le délayez dans un peu de chocolat de celui qui est dans la cafetière et le mettez dans la cafetière et finissez comme avec le jaune.

Le chocolat chaud de Louis XV

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Sources

Les Soupers de la Cour ou l’Art de travailler toutes sortes d’aliments pour servir les meilleures tables suivant les quatre saisons, par Menon, 1755, tome IV, pp. 332-333. En ligne sur archive.org

Sévigné, Marie, marquise de. Lettres, édition Monmerqué, 1862, tome 2, pp.325-328.

Bibliographie

« À la table des souverains », Point de vue Histoire, hors-série n°6, 2014.

« L’apparition du chocolat à la Cour de France », Plume d’histoire, 20.12.2015. URL : https://plume-dhistoire.fr/lapparition-du-chocolat-a-la-cour-de-france/

Images

Images 1 et 3 : Pixabay

Image 2 : Le Chocolat du Matin, peinture de Pietro Longhi, 1775-1780. Domaine public, Wikipedia Commons

Image 4 : Le chocolat à boire se fait connaître en Europe au cours du XVIIe siècle. Par LWY from Pasadena, USA, CC BY 2.0, Wikipedia Commons. https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=17760174

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