Chnif, Chnof, Chnorum… Ce n’est ni un éternuement, ni un nom que j’ai inventé ! Né au cours du XVIIIe siècle, le Chnif Chnof Chnorum est un jeu de poules, ou à gages (c’est-à-dire un jeu avec des jetons, représentant une mise, et où le gagnant remporte la poule, autrement dit l’ensemble des jetons perdus au cours de la partie). Ce type de jeu est monnaie courante à cette époque, et ils ont tous des règles assez simples…
La première mention du Chnorum date de 1755 dans un journal britannique appelé The Connoisseur. En anglais, il ne nomme Snip-Snap-Snorum. Il dérive probablement d’un jeu à boire plus ancien.
Christopher Smart le mentionne également quelques années plus tard dans sa traduction d’Horace en 1767. Lorsque le poète antique mentionne un jeu « pour prendre notre verre à tour de rôle, ou payer », Smart ajoute en note de bas de page que ce jeu antique est similaire à Snip-Snap-Snorum.
Il apparaît ensuite en France à la fin du XVIIIe siècle : dans L’Encyclopédie Méthodique de Diderot en 1782 et dans Les Soirées amusantes d’Huvier en 1790.
Pierre-Marie-François Huvier des Fontenelles est un homme de lettres royaliste, ayant vécu entre 1757 et 1823. Parmi ses ouvrages, on en trouve un intitulé : Les Soirées amusantes, ou entretiens sur les jeux à gages et autres, paru en 1790. L’ouvrage met en scène une série de personnages stéréotypés, regroupés ensemble dans une maison de campagne, et qui s’occupent en jouant.
Le livre a surtout vocation à garder en mémoire ces jeux, afin de pouvoir en redonner les règles en temps voulu. Parmi tous ces jeux, dans le dernier chapitre, on apprend les règles du Chnif Chnof Chnorum.
-J’ai beaucoup entendu parler de Chnif-Chnof-Chnorum ; mais je ne l’ai jamais joué.
-Ce nom est bien dur et bien difficile
-On ne le prononce jamais en entier ; le premier dit Chnif, le second Chnof, le troisième Chnorum.
(Huvier, Les Soirées amusantes, Entretien XX, 1790, p.271.)
On peut être entre 4 et 12 pour une partie de Chnorum. Il faut un jeu de 52 cartes. Seule la valeur (le chiffre ou la figure) est importante. La couleur (pique, cœur trèfle, carreau) n’est pas prise en compte.
En fonction du nombre de joueurs et du temps décidé pour la partie, on détermine un nombre de jetons pour chaque joueur. La partie se finit lorsqu’il n’y a plus qu’un seul joueur qui a des jetons.
Tous les joueurs tirent une carte au hasard. La plus forte désigne le donneur, et le premier joueur sera celui à sa droite. Le donneur distribue un nombre égal de cartes à tous les joueurs dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Lorsqu’il reste moins de cartes que de joueurs, on crée un talon face cachée avec ces cartes restantes.
Le premier joueur joue une carte de sa main (n’importe laquelle). Le suivant à sa droite doit obligatoirement, s’il en possède une, jouer une carte de même valeur en disant Chnif ! De ce fait, il oblige son voisin de gauche à mettre un de ses jetons sur la table, dans la poule. S’il ne possède pas de carte de même valeur, il peut jouer la carte qui l’arrange le mieux.
Tout de suite après un Chnif, le joueur qui suit, s’il possède une autre carte de même valeur, doit la jouer et dire Chnof ! Son voisin de gauche, (celui qui a dit Chnif) doit mettre deux jetons à la poule. Si le joueur ne peut pas faire Chnof, il joue une carte de son choix.
Enfin, après un Chnof, il est possible que le joueur suivant possède la quatrième et dernière carte de même valeur. Il dit alors Chnorum !. Son voisin de gauche doit mettre deux jetons à la poule, et donner aussi deux jetons à son voisin de droite qui vient de le faire Chnorum. Seul le joueur directement à droite de celui qui vient de poser une carte peut dire Chnif, Chnof ou Chnorum.
Si un joueur n’a plus suffisamment de jetons pour mettre à la poule et payer son voisin qui le fait Chnorum, il paie d’abord son voisin, puis la poule. Les joueurs qui n’ont plus de jetons continuent de jouer, sans rien verser à personne (et peuvent potentiellement regagner des jetons avec un Chnorum).
Les cartes défaussées sont empilées les unes sur les autres. Si un tour des 52 cartes ne suffit pas à désigner un vainqueur, on remélange et redistribue les cartes pour continuer.
Dès qu’il n’y a plus qu’un joueur en possession d’un ou plusieurs jetons, la partie est terminée même si des joueurs ont encore des cartes en main. Le gagnant remporte la poule.
Mots-clés: Anecdotes historiques; Jeux
Vous voulez découvrir l’histoire d’un autre jeu?
Pierre M. Huvier des Fontenelles, Les Soirées amusantes ou entretien sur les jeux à gages ou d’autres, Veuve Duchesne et fils, Paris, 1790, 2e éd.
Lalanne, Philippe. « Le Chnif Chnof Chnorum », in Académie des jeux oubliés, Le Salon des jeux, 2021 (20101). En ligne ici.
« Savez-vous jouer au chnif chnof chnorum ? », Villabrowna, 26.01.2011. En ligne ici.
Stouff, Jean. « Les soirées amusantes de Huvier et les jeux du temps passé », Biblioweb, 10.03.2011. En ligne ici.
Images 1 et 4: Pixabay
Image 2 : Pehr Hilleström, Card-Party dans la maison d’Elis Schröderheim, avant 1816. Domaine public, Wikipedia Commons.
Image 3 : August Hermann Knoop, Die Kartenrunde, 1894. Domaine public, Wikipedia Commons.