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La cité grecque d’Éphèse située en actuelle Turquie a connu plusieurs temples dédiés à sa déesse principale, Artémis. De proportions monumentales, ils ont connu de tragiques destins. L’un d’eux a notamment été incendié le 21 juillet en 356 avant J.C., par un homme dont il est à jamais interdit de prononcer le nom… (et qu’il vous faudra donc oublier à la fin de votre lecture !)
Artémis est la déesse la plus importante de la cité d’Éphèse. Lorsque les Grecs arrivent au Xe siècle avant notre ère dans cette région, ils assimilent la déesse locale de la végétation et de la fécondité qui veille sur cet endroit à leur propre déesse de la chasse, de la nature, de la fécondité et de l’accouchement : Artémis. Le premier temple qui lui est consacré dans la cité date du VIe siècle avant J.C. C’est le roi Crésus de Lydie qui le commande et en finance les travaux.
D’après Antipater de Sidon, poète du IIe siècle avant J.C. et auteur d’une des premières listes des sept merveilles du monde, rien n’égalait la beauté du temple :
J’ai posé mes yeux sur la muraille de la douce Babylone, qui est une chaussée pour les chars, et sur la statue de Zeus de l’Alphée, et sur les jardins suspendus, et sur le colosse du Soleil, et sur l’œuvre immense des hautes Pyramides, et sur le vaste tombeau de Mausole ; mais quand j’ai vu la maison d’Artémis, là, perchée dans les nuages, ces autres merveilles ont perdu leur éclat, et j’ai dit: « En dehors de l’Olympe, le Soleil n’a jamais rien vu d’aussi grand.
L’immense temple n’a pas qu’une fonction religieuse. Attraction principale de la ville, il attire rois et marchands ce qui rend le commerce fructueux à ses abords. Il sert également de refuge aux persécutés, et de banque à plusieurs cités grecques. En effet, on y effectue des dépôts, des changes et des prêts.
En 356 av. J.-C., le 21 juillet, un incendie délibéré ravage le temple. Le coupable est un berger nommé Érostrate. Rapidement appréhendé, il avoue sous la torture les raisons de son acte. Il souhaite devenir célèbre, et n’a pas trouvé d’autres moyens d’y arriver. Il a brûlé l’un des monuments les plus célèbres et grandioses de son époque pour que l’on n’oublie jamais son nom.
Les autorités d’Éphèse le condamnent à mort, et à l’oubli. Ils effacent toute trace de son existence interdisent la simple mention de son nom. Cependant, quelqu’un a vite transgressé cette interdiction. L’historien Théopompe mentionne effectivement son nom dans ses Helléniques écrites quelques années plus tard. D’autres historiens et auteurs ont après lui continué à citer son nom, jusqu’à aujourd’hui.
— Je le connais votre type, me dit-il. Il s’appelle Érostrate. Il voulait devenir illustre et il n’a rien trouvé de mieux que de brûler le temple d’Éphèse, une des Sept Merveilles du monde.
— Et comment s’appelait l’architecte de ce temple ?
— Je ne me rappelle plus, confessa-t-il, je crois même qu’on ne sait pas son nom.
— Vraiment ? Et vous vous rappelez le nom d’Érostrate ? Vous voyez qu’il n’avait pas fait un si mauvais calcul.
(Jean-Paul Sartre, «Érostrate », Le mur, recueil de nouvelles, 1939.)
D’après plusieurs auteurs antiques, la raison pour laquelle l’incendie a eu lieu, c’est qu’Artémis était absente. La déesse ne veillait pas sur son sanctuaire, car elle avait une tâche à accomplir cette même nuit. En tant que déesse de l’accouchement, elle aidait une femme à mettre au monde un petit garçon qui deviendra l’un des hommes les plus célèbres de l’histoire : Alexandre le Grand, né le 21 juillet 356 avant notre ère. Grand conquérant et habile stratège, il a réussi à se former un immense empire, notamment grâce aux batailles menées précédemment par son père qui avaient réuni quasiment toute la Grèce sous l’égide de la Macédoine.
En 334 avant J.C., Alexandre est à la tête d’une immense armée panhellénique. Guerrier sans défaite, qui a réussi à vaincre la plus grande puissance de son temps (les Perses), il est considéré comme un héros divinisé, ce qui le place à l’égal des héros mythologiques tels qu’Héraclès ou Achille, deux personnages qui font, selon la légende, partie de ses ancêtres.
Après sa victoire contre le roi perse Darius III, il libère les cités grecques d’Asie mineure dont fait partie Éphèse. À son entrée triomphante dans la ville, il propose de payer la reconstruction du temple. Cette proposition induit le fait d’ajouter au temple une inscription avec son nom. Ne souhaitant pas voir leur temple associé à un autre, les Éphésiens déclinent diplomatiquement l’offre d’Alexandre avec une phrase restée célèbre : «Il est inapproprié pour un dieu de faire des offrandes aux dieux».
La reconstruction du temple est finalement financée par la cité elle-même, ainsi que par d’autres cités pour lesquelles le temple sert de banque, et qui ont donc un intérêt économique à le voir à nouveau debout. Ce deuxième temple, dont il existe de nombreuses descriptions, est monumental. Il mesure en effet 115 mètres de long sur 55 mètres de large. Il possède 127 colonnes, dont 36 richement sculptées sur sa façade.
Le temple reste debout plusieurs siècles, jusqu’à l’invasion des Goths en Asie mineure. En l’an 263 de notre ère, ils naviguent sur la mer Égée et sèment la terreur dans la région. Éphèse, dépourvue de remparts, est mal défendue et tombe très vite entre leurs mains. Le temple est détruit et pillé.
Il sera ensuite partiellement reconstruit à la fin du IIIe siècle, mais à nouveau fermé et spolié entre le milieu du IVe et le début du Ve siècle, avec la montée en puissance du christianisme et son interdiction des cultes païens.
Mots-clés: Histoire antique; Monuments; Personnalités historiques
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Briant, Pierre. « ÉROSTRATE (IVE s. av. J.-C.) », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 26 juin 2023. En ligne ici.
Mark, Joshua, « Alexandre le Grand ». World History, traduit par Babeth Étiève-Cartwright. 14.11.2013. En ligne ici.
Ventura, Dalia. « Comment l’ego d’un inconnu a détruit le temple d’Artémis, l’une des 7 merveilles du monde antique ». BBC News Mundo, 01.08.2021. En ligne ici.
Images 1, 3, 4 et 5: Domaine public, Wikipedia Commons
Image 2 : Photographie de Karene, la sœur de l’auteure… merci à elle !