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Entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, Eduard Spelterini a réalisé des centaines d’ascension en aérostat. Véritable célébrité suisse, il est connu internationalement pour ses traversées des Alpes en ballon et pour ses photos aériennes, une véritable innovation pour son époque…
Né en 1852 dans le canton de Saint-Gall, Eduard Schweizer (qui sera par la suite connu sous le nom du Capitaine Spelterini) suit des études à l’Académie d’aérostation de Paris entre 1873 et 1876. Avec près de 570 vols à son actif, il a accompli de nombreux exploits aériens. Notamment, il est le premier aérostier à traverser les Alpes en ballon en 1898.
Ses prouesses ne se limitent pas à l’Europe : il a également survolé l’Egypte et l’Afrique du Sud. Ses ascensions et traversées s’accompagnent de nombreuses photos. En effet, passionné par cette technologie, Spelterini a laissé derrière lui un nombre impressionnant de clichés vus du ciel, qui font de lui l’un des pionniers de la photographie aérienne.
Dès 1887, Spelterini fait fabriquer sa première montgolfière : l’Urania. Avec elle, il survole de nombreuses villes : Paris, Londres, Le Caire, et même Moscou. Mais c’est surtout pour ses ascensions en Suisse que Spelterini est encore connu aujourd’hui. Durant ses centaines de vols sur le territoire helvétique, il prend de nombreux clichés de montagnes et de villes suisses. Il monte souvent dans son ballon avec d’autres passagers, qui paient pour observer le monde d’un point de vue tout à fait nouveau pour l’époque.
En 1896, avec le ballon Sirius, il se trouve à l’Exposition nationale suisse où il fait survoler Genève à de nombreux visiteurs. Deux ans plus tard, en 1898, il effectue sa première traversée des Alpes. Il en accomplit dix au cours de sa carrière, accompagné de scientifiques. A partir de 1914, les conflits internationaux stoppent son activité, les frontières devenant hermétiquement fermées. De plus, l’arrivée dans le ciel d’appareils plus performants et plus rapides mettent peu à peu fin à l’âge d’or des survols en ballon. L’aérostatier devient une figure du passé, en opposition aux nouveaux pilotes d’avion.
Spelterini réalise encore quelques vols après la guerre, avant de se retirer en Autriche avec sa famille. Il décède quelques années plus tard, en 1931.
Les journaux de l’époque rapportent un fait surprenant concernant Spelterini. Lors de ses ascensions, lorsqu’il atteint sa hauteur maximum, il lance une carte postale à l’attention des journalistes et de leurs lecteurs. C’est ainsi qu’on pouvait lire le 25 septembre 1902 dans le Journal de Genève:
Le capitaine Spelterini nous fait l’agréable surprise de lancer de sa nacelle, quand l’aérostat a atteint sa hauteur maximum, une carte postale à notre adresse […]
A bord du ballon Zéphir; lieu: près de l’Uri Rotstock; date: 22 septembre, quatre heures; hauteur: 4900 mètres. Temps: beau, magnifique, mer de nuages; température: 3°; vitesse du vent:15 kilomètres à l’heure; direction du vent: nord.
Ou encore le 3 mars 1904:
Le capitaine Spelterini vient d’effectuer une ascension au Caire. Et de la nacelle du Stella, planant à 520 mètres, il a lancé à notre adresse la carte postale suivante:
Caire, 21 février 1904, 5h15. Nous passons à l’instant au-dessus des pyramides de Khéops et Khephren, à une hauteur de 520 mètres. Temps venteux; température 15°, vitesse du vent: 40 kilomètres à l’heure; direction du vent nord-ouest. Amitiés.
En 1900, Spelterini est au sommet de sa gloire. Le 1er août, il part du Rigi, dans le canton de Schwytz pour une ascension. Le 4 août 1900, les Genevois peuvent lire dans le Journal de Genève:
Une carte tombée du ciel. — Nous recevons aujourd’hui par la poste une carte postale que le capitaine Spelterini a lancée à notre adresse de la nacelle du Jupiter, alors qu’il planait à 4050 mètres au-dessus du Glaernisch. Elle est ainsi conçue: « A bord du ballon Jupiter; départ du Righi First le 1er août 1900, à 3 h. 10. Temps splendide. Vitesse de l’aérostat: 20 kil. à l’heure; hauteur maximale 4050 mètres. Température 5°; direction du vent N.-E. Vue unique au monde, ajoute le capitaine, sur toutes les Alpes du Mont-Blanc au Tyrol »
Le journaliste du Figaro Émile Gautier accompagne Spelterini durant cette ascension. Les journaux publient son récit quelques jours plus tard, qui montre le caractère exceptionnel des vols du capitaine.
« Lâchez tout ! » — plus 300 kilos de lest. […] Du premier bond, le Jupiter s’élève à 2,500 mètres. Et il monte toujours, les flancs élargis, d’un vol puissant et sûr. Rien, du reste, sauf le rapetissement progressif des choses d’en bas, ne dénonce le déplacement de la monture sans réactions qui nous emporte à travers l’espace.
C’est à jurer que nous demeurons immobiles. Une délicieuse béatitude physique s’empare de mon être: à respirer cet air vierge, d’une inexprimable transparence, il me semble que tous mes organes s’épanouissent, que mes nerfs se détendent, que mon sang court plus pur et plus chaud dans mes artères assouplies.
Mais je suis surtout frappé par le silence : un silence fabuleux, presque irréel, le silence d’une cathédrale qui n’aurait ni voûtes, ni murailles, où les rares paroles échangées tombent et s’étalent dans le vide comme des bruits de rêve…
3,000 mètres, 3,500 mètres, 4,000 mètres, 4,100, 4,150, 4,160 ! Nous sommes à plus d’une lieue au-dessus du plancher des vaches. Aucun malaise, cependant, ne vient gâter l’exquise jouissance. À peine un léger claquement au fond de l’oreille, comme vers la fin d’un rhume de cerveau, lorsque les fosses nasales vont spontanément se désobstruer. Nous avons pris, par mesure de précaution, une provision d’oxygène comprimé, mais le besoin ne s’en fait pas sentir.
Dieu ! que c’est beau ! […]
(Journal de Nyon, 13.08.1900)
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Journal de Genève, édition du 04.08.1900
Journal de Nyon, édition du 13.08.1900
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