Dans la ville d’Oudewater, aux Pays-Bas, on retrouve un poids public qui date de 1482. En plus de son usage normal (de peser les récoltes et le bétail), il a longtemps servi comme preuve d’innocence durant les chasses aux sorcières des XVIe et XVIIe siècles.
L’utilisation des poids publics date du Moyen Âge. Un poids public était alors un bâtiment avec une immense balance. La population pouvait y peser les récoltes et le bétail, et les autorités y prélever des taxes. Les poids publics se trouvaient au centre des villes ou sur les axes commerciaux qui y menaient. Ils sont restés en usage jusqu’au XIXe siècle, lors de la mise en place d’une norme internationale pour les mesures de poids.
Les poids publics ont malheureusement eu aussi une utilisation plus sinistre, lors des chasses aux sorcières. Selon le traité de démonologie Le Marteau des sorcières, utilisé par les autorités inquisitrices de toute l’Europe pour identifier des « sorcières », une des façons de les confondre est leur poids. Selon ce livre et les autres ouvrages de démonologie, les sorcières sont dépourvues d’âme, ce qui les rend légères. (Et leur permet donc de voler sur des balais).
Les autorités connaissaient deux moyens de constater si une prétendue sorcière pesait moins lourd que le poids qu’elle semblait faire. Le premier était de la jeter dans l’eau. Si elle flottait, c’était une sorcière. Si elle coulait, c’était une bonne chrétienne (mais morte…). Le second moyen de peser une sorcière était de la placer sur une balance publique. Si elle semblait trop légère par rapport à sa morphologie, c’était une sorcière. Dans le cas contraire, elle était innocentée.
Il était bien sûr possible de truquer une balance pour influencer le jugement d’une femme accusée de sorcellerie. C’est d’ailleurs après une pesée qui a semblé suspecte que l’empereur du Saint Empire germanique, Charles Quint, a accordé un privilège exceptionnel à une balance particulière, réputée absolument juste : celle d’Oudewater.
Oudewater est une petite ville hollandaise, située entre Rotterdam et Utrecht. Son poids public date de 1482, et est toujours visible dans la ville. Après le privilège accordé par l’empereur, n’importe qui pouvait venir se tenir sur la balance d’Oudewater pour contrer une accusation de sorcellerie. Les autorités de la ville délivraient après la pesée un certificat, qui servait de preuve d’innocence. Au vu du poids que possédait un privilège impérial, le certificat d’Oudewater était accepté dans toute l’Europe. Il n’existe aucune trace d’une personne pesée à Oudewater qui ait été poursuivie comme sorcière.
L’existence d’une telle balance a poussé plusieurs personnes accusées de sorcellerie à se rendre à Oudewater. Cependant, un tel voyage ne pouvait pas être entrepris par tout le monde. Il était en effet coûteux et dangereux. De plus, au XVIIe siècle, plusieurs conflits sévissent en Europe, qui peuvent rendre les voyages encore plus dangereux.
Aussi, quitter une ville ou un village après une accusation de sorcellerie pouvait être vu comme un aveu, plus que comme la recherche d’une preuve d’innocence. Cependant, il reste des traces de certificats donnés à Oudewater, qui montrent, en pleine chasse aux sorcières, que cette preuve avait une certaine valeur…
Mots-clés: Anecdotes historiques; Sorcière
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Craig, Mary W. « The Witches’ Scales of Oudewater ». Remembering the Accused Witches of Scotland, 07.02.2022. En ligne ici.
Kerziouk, Olga. « Why Oudewater was so attractive to ‘witches’». British Librairy blog, 22.03.2018. En ligne ici.
« De heksenwaag van Oudewater ». Historiek, 14.02.2023. En ligne ici.
Images: Domaine public, Wikimedia Commons