Le 19 juillet 1872 naît Catherine Florentine Lucienne Chasteau, à Tulle dans le Limousin. Connue à Genève sous le nom de plume de Lucienne Florentin, elle est la première femme à devenir critique d’art en Suisse. Elle professionnalisera même cette activité, jusqu’alors réservée aux artistes et aux écrivains.
Lucienne Florentin entre dans le milieu artistique genevois par l’intermédiaire de son mari, Armand Cacheux. Peintre, sculpteur et professeur à l’Ecole genevoise d’art industriel ils se sont rencontrés dans les milieux artistiques parisiens vers 1900.
Dès 1909, alors âgée de 37 ans, Lucienne Florentin publie son premier article pour La Suisse. Ses liens avec Armand Cacheux lui assurent une certaine audience, et sa plume, sûre et précise, fait rapidement connaître son nom. De plus en tant que femme qui n’est ni artiste, ni écrivaine, l’autorité de son discours ne s’appuie ni sur sa légitimité littéraire, ni sur sa carrière artistique, mais uniquement sur son analyse et sa critique détaillée. Une rareté, une nouveauté même dans ce milieu de critiques genevois où ne se trouvent que des hommes…
Lucienne Florentin travaille pour La Suisse de 1909 à 1941. Elle publie de nombreux articles, principalement sur l’actualité artistique de Genève. Elle se rend aussi à des expositions en Suisse et en France, et fait des comptes-rendus de pièces de théâtre et de conférences. Même si elle a consacré la majeure partie de ses articles à l’art, Florentin a également écrit plusieurs articles engagés sur la place des femmes et l’éducation de la jeunesse.
Lucienne Florentin accroît son importance dans le milieu artistique genevois en s’associant à un galeriste installé à Genève: Max Moos. Ce dernier, arrivé dans la ville en 1906, ouvre sa première galerie en 1913, où il expose les œuvres de nombreux artistes, principalement genevois. En 1917, il gère la plus grande galerie d’art de Suisse, dans son immeuble de trois étages à la rue du Marché.
A l’ouverture de sa première galerie en 1913, il engage Lucienne Florentin comme conseillère artistique. Elle écrit la préface de la plupart des catalogues d’exposition de la galerie, tout en commentant les œuvres exposées par Moos dans La Suisse.
Durant la guerre, avec la fermeture du Musée Rath, mis à la disposition de l’Agence internationale des Prisonniers de guerre et le retour en Suisse de nombreux artistes partis pour Paris avant 1914, la Galerie Moos devient un lieu privilégié de l’art à Genève, ce qui impose encore plus la place de Florentin dans le monde des critiques.
L’arrivée d’une femme de caractère dans le milieu artistique genevois principalement masculin, son rôle à la Galerie Moos et son métier de critique sans être artiste ou écrivaine enflamme la critique autour de Lucienne Florentin. Elle reçoit de nombreux surnoms de la part de ses contemporains. Ainsi, la «sirène des galeries», «l’oracle des arts» ou «madame Florentin» (mettant l’accent sur son genre plutôt que sur sa plume) est, dès les années 1910, la cible de plusieurs pamphlets. Parmi eux, nous pouvons citer les deux écrits du peintre Albert Traschel à son encontre: Le « Zed » de la « Suisse » ou la vieille lavandière de la Cité (1914) et « Florentin » dit « L’oracle des arts » (1920) ou encore celui de l’artiste Louis Baudit, Beaux-arts: critiques, marchands de tableaux (1919).
Cependant, Florentin connaît une autorité croissante durant l’entre-deux-guerres, ce qui laisse penser qu’elle n’a pas été atteinte par ces diffamations. Elle continue à chroniquer la vie artistique genevoise, tout en écrivant quelques monographies. En 1936, elle est décorée de l’Ordre national de la Légion d’honneur. Après avoir écrit près de 2000 articles, elle range sa plume en 1941, atteinte par une maladie qui entrainera son décès un an plus tard, le 9 juin 1942.
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Fonds Lucienne Florentin, CH-000242-9 BAA FLO, 1901-1944. MAH Musée d’art et d’histoire, Ville de Genève. Don Alfred Berchtold, 1986.
Jaccard, Paul-André. « Florentin, Lucienne ». Dictionnaire historique de la Suisse, 01.02.2005. En ligne ici.
Pallini Stéphanie. « Lucienne Florentin ou les ambivalences d’une critique d’art en Suisse romande ». Histoire de l’art, N°44, 1999, pp. 11-19. En ligne ici.
Ziegler, Erica Deuber (dir.) et Tikhonov, Natalia (dir.). Les femmes dans la mémoire de Genève : du XVe au XXe siècle, Genève, Suzanne Hurter, 2005
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