Un jour, une histoire

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12 décembre 1602

400 ans de fête de l’Escalade à Genève

Le 12 décembre, les habitants de Genève repoussent les troupes de Charles-Emmanuel Ier de Savoie. Tirés de leur lit à 4h du matin, ils ont, selon la légende, pris « leurs armes avant leurs habits ». Genève sauve son indépendance et défend ses positions protestantes face à son ennemi catholique. Dès les jours suivant, elle commémore et fête sa victoire, instaurant une tradition qui dure depuis plus de quatre siècles.

Cultes, mascarades, chansons et marmite !

En plus de 400 ans d’existence, la fête de l’Escalade a connu de nombreuses évolutions. Des mascarades endiablées aux cérémonies religieuses, des chansons populaires aux interdictions de célébrations… Du XVIIe au XXe siècle, de nombreuses traditions ont été mises en place, dont certaines perdurent encore aujourd’hui.

Faisons ensemble un petit voyage de quatre siècles à travers l’histoire de Genève, et de ses multiples façons de fêter le 12 décembre 1602…

XVIIe siècle : solennité versus amusement

La première célébration de l’Escalade a lieu quelques jours après les évènements. Dès le 21 décembre 1602, le souvenir de ce jour prend un aspect religieux, étant remémoré avec un culte et un jeûne. C’est aussi le cas de son premier anniversaire, en 1603, où un culte est célébré pour l’Escalade. Cependant, on observe déjà une volonté de faire la fête pour se souvenir de cette victoire, avec des banquets privés organisés un peu partout. Cette dualité s’observe durant tout le XVIIe siècle.

C’est également en 1603 qu’un illustre inconnu écrit et publie la première chanson de l’Escalade, encore connue et chantée aujourd’hui : le Cé qu’è lainô. Rédigé en arpitan genevois, ses 68 couplets décrivent les faits de la bataille, avec une trentaine de couplets consacrés à l’exécution des prisonniers Savoyards.

Les chansons de l'Escalade apparaissent très rapidement après les évènements du 12 décembre 1602
XVIIIe siècle : interdictions successives et prémices des traditions

En 1701, le tapage des habitants fêtant l’Escalade est tel que les autorités imposent une sobriété stricte pour la commémoration. Le centenaire de la bataille est donc célébré uniquement de manière religieuse.

Siècle de plusieurs révolutions genevoises, le XVIIIe connaît de nombreux changements politiques et des tensions sociales. Ces changements et conflits conduisent à de grandes périodes d’interdictions de l’Escalade, parfois sur plusieurs décennies. Reprises dès la fin des révolutions en 1793, les festivités sont à nouveau annulées en 1798 au début de l’occupation française de Genève. Durant toute cette période (donc jusqu’en 1814), on ne fête l’Escalade que dans la stricte intimité des foyers. Puis, lorsque Genève se rattache à la Suisse, l’interdiction continue jusqu’en 1841, afin de ne pas détériorer les relations entre le canton et la France.

Cependant, l’année 1793 a vu naître des traditions qui sont encore aujourd’hui d’actualités. C’est en effet le début des cortèges historiques de l’Escalade, et l’année de parution de la chanson « Ah ! La Belle Escalade ».

Les mascarades de l'Escalade débutent dans les années 1860
XIXe siècle : mascarades et marmites

Les festivités reprennent donc en 1841. On constate tout de même que durant les années 1830-1840, les déguisements à l’Escalade étaient autorisés pour les enfants, même si les cérémonies officielles étaient stoppées. Charles Roumieux, auteur et numismate genevois, raconte que durant ses années :

Les enfants seuls se déguisaient d’une chemise et d’un bonnet de coton blanc, pour représenter les citoyens sortant de leur lit, afin de repousser les envahisseurs. D’autres se travestissaient en femmes avec les robes de leurs sœurs ou de leurs voisines, les demoiselles vêtues en gamins. Tout ce petit peuple courait les rues, allant chanter dans les cafés et chez les pâtissiers, récoltant ainsi un ou deux florins qu’ils se partageaient.

Dans les années 1860, on organise de grandes mascarades pour l’Escalade. Henri Frédéric Amiel, écrivain et philosophe genevois, raconte en 1863 ce qu’il observe durant la fête :

Grande foule, ribambelle de masques et de déguisés, en souvenir de l’événement patriotique du jour. Le nombre était peut-être d’une ou deux centaines. La fantaisie individuelle s’était donné libre carrière :  tous les costumes bouffons des deux sexes, les loups, les faux-nez, les coiffures extravagantes, les instruments cocasses, les panaches, bedaines, casques à mèche, les costumes d’incroyables, de mousquetaires, […] de balayeuses, d’ours, de Pierrot […] avec les refrains de circonstance, passaient par grappes, en file ou isolément. Un ciel étoilé, un sol sec et un temps doux conviaient tout le monde dans les rues.

Dès les années 1870-1880, à une date restée inconnue, on retrouve les premières marmites de l’escalade. En chocolat ou en nougat, elles sont dégustées à la fin des banquets. On retrouve d’ailleurs en 1892 dans le Journal de Genève une publicité pour ces marmites.

dès les années 1870, on ,ange des marmites à l'Escalade
XXe siècle : nouveautés et commémorations officielles

En 1892 également, en réaction à ces fêtes carnavalesques, des initiatives se mettent en place pour donner un côté plus solennel à la fête. Un double cortège historique est organisé dans les rues de Genève. Il jette les prémices de ce que sera la Compagnie 1602.

Créée en 1926, son célèbre cortège devient systématique dès 1948, avec un parcours à travers la ville et une proclamation officielle. Si celle-ci a évolué au cours des décennies, le discours se fixe en 1997.

La plus jeune des traditions de l’Escalade est la course de l’Escalade. Créée en 1978, elle voit des personnes courir costumées depuis 1981. En 1991, le déguisement est officialisé dans la première course « de la Marmite ».

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Sources

Borel, Corinne. « La « vraie fausse » marmite de l’Escalade », Blog du Musée d’art et d’histoire, mis en ligne le 12 décembre 2019. URL : https://blog.mahgeneve.ch/la-vraie-fausse-marmite-de-lescalade/

Roth, Henri. Les mascarades oubliées de l’Escalade. Slatkine, 2019. Les textes cités proviennent de cet ouvrage.

Images

Image 1 : Le Cortège commémoratif de l’Escalade en 1867, par Amédée Champod artiste. Photo : Le Monde Illustré 1868. Domaine public, Wikipedia Commons

Image 2 : Page de titre de l’ouvrage « Chansons de l’Escalade », Genève, Jullien et fils libraires, décembre 1845, Domaine public, Wikipedia Commons

Image 3 : Mascarade des enfants, par Amédée Champod artiste. Photo : L’Illustration, Journal Universel, février 1862 p 116. Domaine public, Wikipedia Commons

Image 4 : Publicité du Journal de Genève, édition du 8 décembre 1892. En ligne sur LeTemps Archives 

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