Dérivé du verbe « riper » (gratter), le mot ripaille viendrait de la locution « Faire la ripaille chez quelqu’un ». D’après le Dictionnaire historique de la langue française, il désigne le fait que les soldats s’approvisionnaient chez les habitants et mangeaient chez eux. Cependant, il existe une autre origine à l’expression. Même si elle ne fait pas consensus chez les historiens, elle est amusante à mentionner.
Alors, pour faire ripaille, direction le Château de Ripaille !
Ripaille, je te vois. Ô bizarre Amédée,
Est-il vrai que dans ces beaux lieux,
Des soins et des grandeurs écartant toute idée,
Tu vécus en vrai sage, en vrai voluptueux,
Et que, lassé bientôt de ton doux ermitage,
Tu voulus être pape, et cessas d’être sage ?
Ces vers de Voltaire nous amènent au Château de Ripaille, au XVe siècle. C’est alors l’une des résidences principales des comtes et ducs de Savoie. Il est situé au cœur d’un immense domaine de chasse. De plus, au XVe siècle, c’est-à-dire du temps d’Amédée VIII, comte de Savoie, la cuisine est gérée par Maître Chiquart. Considéré comme l’un des plus grands cuisiniers de son époque, il a laissé à la postérité un des plus célèbres livres de cuisine médiévale, Du Faist de Cuysine (1420).
À titre d’exemple, voici ce qu’il préconise pour l’organisation d’un banquet :
100 bœufs de haute graisse, 130 moutons également de haute graisse, 120 porcs ; et pour chaque jour durant la fête, cent petits porcelets, tant pour rôtir que pour d’autres préparations et 60 gros porcs de haute graisse, salés, pour larder et préparer des mets en potage… Et il faut avoir pour chaque jour de cette fête : 200 cabris et agneaux, 100 veaux, 2 000 pièces de volailles et 6 000 œufs. Et il faut que vous ayez affaire à des fournisseurs de volaille ingénieux, diligents et prévoyants : qu’ils aient 40 chevaux pour aller en divers endroits afin d’obtenir : des chevreuils, des lièvres, des lapins, des perdrix, des faisans, de petits oiseaux (autant qu’ils pourront trouver sans restriction), des oiseaux de rivière (tout ce qu’on pourra en trouver), des pigeons, des grues, des hérons et tous les oiseaux sauvages — tout ce qu’on trouvera de quelconque sauvagine.
Le Château de Ripaille a gardé cette image de lieu de festin, à cause de sa situation géographique et du cuisinier d’Amédée VIII. Dans ses vers, Voltaire reproche au comte sa vie de plaisirs. Ainsi, trois siècles après ce comte, Ripaille garde sa réputation de lieu de banquets mémorables.
Cette réputation est, pour certains, l’origine de l’expression « faire ripaille ».
Mots-clés: Anecdotes historiques; Expressions; Moyen Âge
Vous voulez lire une autre historiette?
Bouas, Florence et Vivas, Frédéric. Du fait de cuisine. Traité de gastronomie médiévale de maître Chiquart, Éditions Actes Sud, 2008.
Pigaillem,Henri, L’Histoire à la casserole, Gallimard, 2015.
Site du Château de Ripaille : https://www.ripaille.fr/faire-ripaille/
Voltaire, « Épitre LXXXV », Œuvres complètes de Voltaire, Garnier, 1877, tome 10, pp. 362-366. En ligne sur Wikisource
Source: Pixabay