Sur le chemin de l'histoire

L’histoire de Genève à travers ses noms de rues

En passant par les Tranchées

La rue Emilie Gourd

Plusieurs femmes militantes ont laissé leur nom dans l’histoire du suffrage féminin en Suisse. Parmi elles, Emilie Gourd s’est engagée toute sa vie dans le combat pour l’obtention du droit de vote. Connue de manière nationale et internationale, elle s’est imposée comme figure de proue de la lutte pour le suffrage, grâce à ses participations aux associations, journaux et manifestations féministes de son temps.

Emilie Gourd, féministe

Emilie Gourd naît le 19 décembre 1879 dans une famille bourgeoise protestante de Genève. Elle œuvre vite dans de nombreuses sociétés de bienfaisance, comme les autres femmes genevoises de sa condition. Diplômée de l’école de jeunes filles de Genève, Emilie Gourd suit des cours à l’Université comme auditrice libre (son diplôme ne lui permet pas de s’inscrire officiellement à l’Université, bien qu’elle soit ouverte aux femmes depuis 1872).

En 1909, elle rencontre Auguste de Morsier, président de l’Association genevoise pour le suffrage féminin. Il milite pour les droits des femmes, et Emilie Gourd forge à ses côtés, ainsi que sur les bancs universitaires, ses opinions féministes radicales.

Elle devient membre de l’Association genevoise pour le suffrage féminin, et rejoint de nombreuses autres associations féministes de son époque. Elle milite au premier plan, devenant présidente de l’Association genevoise pour le suffrage féminin (1911 à 1946) et de l’Association suisse pour le suffrage féminin (de 1914 à 1928). Emilie Gourd fonde et préside également l’Ouvroir de l’union des femmes (de 1914 à 1946), créé pour fournir du travail aux femmes durant la Première guerre mondiale.

Figure de proue du féminisme suisse, elle donne de nombreuses conférences, écrit des articles et se bat sans relâche pour l’obtention des droits féminins. En 1923, elle devient secrétaire de l’Alliance internationale pour le suffrage féminin. Elle voyage alors beaucoup, à ses frais, pour continuer à l’international ses actions militantes.

Mouvement féministe
Premier numéro du Mouvement féministe, 1912

Le Mouvement féministe

Pour militer pour les droits des femmes, Emilie Gourd fonde également le journal Le Mouvement féministe. Elle en est la rédactrice en cheffe, du premier numéro de 1912 jusqu’à sa mort en 1946. Par l’écrit, qui complète ses actions et paroles lors des conférences et manifestations, elle promeut le mouvement suffragiste.

Pour elle, ses articles permettent d’émanciper et d’instruire les femmes, ainsi que d’éveiller les consciences. Le Mouvement féministe est le plus ancien journal militant de Suisse, et probablement le plus ancien du monde.

Encore un journal! dira-t-on, alors qu’il en existe déjà un si grand nombre, alors qu’il en naît et meurt tous les jours, alors que tant d’entre eux végètent péniblement, sans abonnés et presque sans lecteurs, alors qu’à chaque spécialisation de notre esprit, qu’à chaque intérêt particulier de notre société, correspond une revue, un bulletin, un organe imprimé quelconque…
Celui-ci est-il vraiment nécessaire? Nous avons estimé que oui […]
Le Mouvement Féministe sera évidemment suffragiste, le suffrage féminin étant pour nous chose primordiale; mais d’autre part, afin que dans la mesure du possible  «rien de ce qui est féminin ne lui soit étranger», il s’efforcera de se tenir au courant de toutes les manifestations d’ordre artistique, littéraire, moral, pédagogique ou philanthropique, intéressant les femmes à un titre ou à un autre.

(Premières lignes du Mouvement féministe, n°1, 10 novembre 1912)
Emilie Gourd
Visite de l'activiste féministe suisse Emilie Gourd au siège du journal IKC ("Ilustrowany Kurier Codzienny"} à Cracovie en Pologne. Emilie Gourd (à gauche) et la rédactrice en chef de l'IKC Zofia Lewakowska (à droite).

Reconnaissance posthume

Emilie Gourd mène toute sa vie son combat pour le suffrage féminin. Elle a connu de nombreuses propositions et votations rejetées pour le droit de vote des femmes. Elle décède d’une maladie cardiaque en 1946, à l’âge de 66 ans. Ses idées, journaux et associations, continuent de vivre après elle. Elle n’aura malheureusement jamais connu la victoire du suffrage féminin, accepté en votation fédéral le 7 janvier 1971.

Cependant, juste après cette date, l’Association genevoise pour le suffrage féminin fait une demande pour qu’une rue soit nommée en son honneur à Genève. L’Association cherche ainsi à rappeler la mémoire d’une de ses premières et plus ferventes militantes, après l’acceptation du suffrage féminin.

Cette proposition est acceptée en 1972, et la rue Monnetier, dans le quartier des Tranchées où vivait Emilie Gourd, est alors renommée en son honneur.

Vous voulez lire une autre histoire des noms de rues?

Partagez l'article ici

Sources

Chaponnière, Martine. « Gourd, Emile », Dictionnaire historique de la Suisse, 06.03.2024. En ligne ici

Moreillon, Simon. « Emilie Gourd: une passionnaria féministe». Le Temps, 01.08.2014. En ligne ici

« Une rue Emilie Gourd ». Journal de Genève, 22.02.1972. En ligne ici

Images

Image 1. Photographie de l’auteure.

Image 2. Capture d’écran des numérisations du journal Le Mouvement féministe. En ligne sur E-periodica

Image 3. Domaine public, Wikimedia Commons.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *