Genève possède dans son propre folklore, ses revenants et lieux hantés. Dans la commune de Meinier, près des ruines de Rouelbeau, erre un fantôme… c’est la Dame blanche de Rouelbeau. Elle hante la région depuis des siècles, et son empreinte aujourd’hui, est toujours visible. Mais quelle est son histoire ?
Plantons le décor. En 1318, le chevalier Humbert de Choulex achève la construction d’une place forte en bois. La bastille porte alors le nom de son commanditaire : la Bâtie-Cholay (ou Choulex). Au service des seigneurs de Faucigny, le chevalier défend au milieu de ces marécages le seul accès de la Seigneurie au lac et à la ville d’Hermance. Les seigneurs de Faucigny sont alors en conflit avec la Maison de Savoie et les comtes de Genève.
Après 1339, à une date inconnue, le château devient une fortification en pierre. En 1355, le Faucigny est intégré au territoire de la Savoie, et Rouelbeau perd sa fonction de place forte. Le château est alors habité par des civils. Ses propriétaires changent au gré des successions et ventes des familles genevoises qui le possèdent. Au XVIIe siècle, les derniers propriétaires de Rouelbeau vendent les pierres du château aux habitants de Meinier pour qu’ils construisent leurs maisons.
D’après la légende locale, la Dame Blanche de Rouelbeau est la femme répudiée du chevalier Humbert de Choulex. Morte le cœur brisé après sa répudiation, elle erre depuis aux alentours du château tombé en ruines.
Au début du XIXe siècle lors des guerres napoléoniennes, un jeune paysan très pauvre de la région, souffre de voir sa mère mourir de faim le soir de Noël. Armé de son fusil et de son courage, et malgré les oppositions de celle-ci, il part chasser de quoi faire un bon repas. Errant seul de nuit dans les marécages, il arrive dans les ruines de Rouelbeau.
Une dame blanche apparaît devant ses yeux, et lui demande la raison de sa présence dans ce lieu. Elle le menace, lui disant que la nuit de Noël, seuls les fantômes ont le droit de venir à Rouelbeau, et qu’elle compte le punir de cet affront en lui ôtant la vie.
Le jeune garçon la supplie de l’épargner, lui racontant la triste histoire de sa vie avec sa mère. Touchée par ses mots et son jeune âge, la Dame blanche lui ouvre la porte du château, et le garçon se retrouve devant un festin et un magnifique trésor. Il remplit ses poches et retourne auprès de sa mère, après une promesse solennelle à la Dame blanche de ne jamais revenir ; car il est le seul qu’elle a épargné, et sa clémence ne se reproduira pas deux fois ; ni envers lui, ni envers un autre.
Comme pour toutes les légendes, différentes versions coexistent. Après être revenu chez lui, le garçon ment sur la provenance de cet or. Il vit finalement aisément avec sa mère, avant de fonder une famille, à qui il raconte son histoire à la manière d’un conte.
Dans d’autres version, un riche membre de sa famille l’oblige à lui dire d’où provient l’or. L’homme en question cherche alors à obtenir une part du trésor de Rouelbeau au Noël suivant, mais se fait punir par la Dame blanche pour sa cupidité.
Le mythe de la Dame blanche n’est pas propre à Meinier. On en retrouve dans toute l’Europe, des contes du Moyen Âge aux légendes urbaines d’aujourd’hui. Apparentées aux fées, aux sorcières ou aux revenants, elles ont un lien particulier avec la mort. Elles ont souvent un rôle de messagères, et dans la plupart des histoires (mais pas celle de Rouelbeau), elles apparaissent à des membres de la noblesse.
L’origine de la dame blanche remonte peut-être à des temps très anciens. Pour certains, elles viennent du mythe de la banshee. Créature du folklore celtique irlandais, la banshee est une sorcière ou une messagère de l’au-delà. Selon les récits, elle peut être annonciatrice de mort ou protectrice d’une famille.
Les ruines de Rouelbeau sont aussi le théâtre d’une autre légende : le chat noir de Rouelbeau. On raconte parfois que dans le brouillard des marécages, on peut croiser un chat noir qui n’est autre que le diable en personne. Il se faufile entre les pierres, attendant de sauter à la gorge de ceux qui se perdent dans les ruines.
On peut réussir à s’en débarrasser en le frappant une fois avec un bâton. Mais si par malheur on lui donne un deuxième coup, le chat retrouve toute sa vigueur, et le diable vous emporte…
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Baumann, Patrick. « Balade dans les lieux les plus mystérieux de Suisse romande » L’Illustré, 28.08.2022. En ligne ici.
« Le château de Rouelbeau à Meinier ». Swisscastles. En ligne ici.
Vellas, Christian. Légendes de Genève et du Genevois. Slatkine, 2007.
Vidéo : « Minimag: le Château de Rouelbeau est le dernier de Genève ». RTS, 12.03.2014. En ligne ici.
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Images 2, 3 et 5: Photographies de l’auteure