Historiettes

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Histoire d'une expression

Tomber dans les bras de Morphée

Belle métaphore pour désigner le fait de s’endormir… on utilise aussi les expressions être dans les bras de Morphée pour désigner un sommeil profond, ou encore sortir des bras de Morphée pour parler du réveil. Mais qui est Morphée, et qu’est-ce que ces bras ont de spécial ?

Morphée dans le panthéon grec

Dans la mythologie grecque, Morphée est le fils d’Hypnos, dieu du sommeil et de Nyx, déesse de la nuit. On le considère comme le dieu des rêves prophétiques, envoyé par les autres divinités auprès des humains pour leur parler et les inspirer au travers de leurs songes.

Il leur apparaît sous forme humaine, car il est capable de prendre facilement n’importe quelle apparence. C’est de là qu’il tire son nom, «Morphée», qui vient du mot grec Morpheús, «la forme». La plupart du temps, il apparaît sous les traits d’un jeune homme, mais peut aussi prendre l’apparence d’un être cher pour approcher ceux qu’il endort.

Il est représenté avec un miroir dans une main et des graines de pavot dans l’autre. Il donne le sommeil en touchant les hommes avec le pavot, et leur inspire leurs rêves avec son miroir. Ses ailes de papillon lui permettent de se déplacer rapidement et sans faire le moindre bruit.

Pierre-Narcisse Guérin, Morphée et Iris, huile sur toile, 1811, Musée de l'Ermitage

Morphée et les Métamorphoses

Morphée apparaît principalement dans les Métamorphoses d’Ovide. Messager de son père Hypnos, il va voir Alcyone, fille d’Éole et épouse du roi de Trachis, Céyx. Ce dernier est parti consulter un oracle, mais s’est noyé en chemin. Morphée, sous les traits de Céyx, prévient sa femme de son décès, et lui demander d’organiser ses funérailles.

Entre ses mille enfants, le Sommeil choisit Morphée, habile à revêtir la forme des mortels. […] Morphée vole, et son aile silencieuse le transporte en un instant, à travers les ténèbres, dans la ville où régna Céyx. Là, il dépose ses ailes et prend la forme de l’époux d’Alcyone. Nu, livide, semblable à un cadavre, il se place devant la couche de l’infortunée. Sa barbe est humide, et l’eau semble dégoutter de ses cheveux. Il se penche sur le lit, et mouillant son visage de larmes, il dit : «[…] Regarde, et vois au lieu de ton époux l’ombre de ton époux. Ô Alcyone, tes vœux m’ont été inutiles: je ne suis plus. Cesse de te promettre un retour impossible. […] Lève-toi, donne-moi des larmes et revêts des habits de deuil. Ne fais pas que je descende aux abîmes du Tartare sans avoir été pleuré.»
Alcyone gémit, elle pleure, étend ses bras dans son sommeil, veut embrasser son époux et n’embrasse que le vide. «Où fuis-tu ? s’écrie-t-elle. Demeure, ou je te suis.» Et, troublée par cette image, par sa propre voix, elle s’éveille.

(Ovide, Les Métamorphoses, Livre XI, Texte établi par Désiré Nisard, Firmin-Didot, 1850)
Tomber dans les bras de Morphée
Antonio Tempesta, Morphée et Alcyone, gravure, 1606.

La naissance de l’expression

L’expression Tomber dans les bras de Morphée apparaît au XVIIe siècle. Deux occurrences des «bras de Morphée» datent de 1678. Une dans le journal périodique français Le Mercure galant, l’autre dans les Mémoires de Charles Coypeau d’Assoucy, Les Avantures de Monsieur d’Assoucy.

Il n’y a pas vraiment d’explication sur la raison pour laquelle on parle des «bras». Cela peut venir de l’impression d’être bercé ou enlacé par le sommeil en s’endormant, ou du souvenir des attributs que Morphée porte dans chaque main. Ou peut-être y a-t-il une corrélation avec la locution «tirer des bras de la mort»…

De Morphée à la morphine

Le pavot, que Morphée tient dans sa main, est utilisé depuis l’Antiquité pour ses vertus sédatives et antalgiques. Cependant, il faut attendre le XIXe siècle pour que les scientifiques découvrent la morphine, en 1804, en la séparant de l’opium par des procédés chimiques. C’est en 1817 que cette substance prend le nom de morphine. Et son nom est une référence au dieu Morphée.

C’est à partir de là, donc dès la première partie du XIXe siècle, que l’expression Tomber dans les bras de Morphée va connaître une utilisation croissante, en littérature comme dans le langage courant.

Tomber dans les bras de Morphée
Jean-Antoine Houdon, Morphée, Sculpture en plâtre, vers 1769, Musée du Louvre.

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Sources

Epitalon, Violaine. « Être dans les bras de Morphée : définition et origine de l’expression ». La langue française, 15.09.2023. En ligne ici

« Tomber dans les bras de Morphée : l’histoire derrière l’expression ». Geo, 12.07.2022. En ligne ici

Dambrine, Adrian. « Dans les bras de Morphée : définition & origine de l’expression». La culture générale, 25.08.2021. En ligne ici

Images

Domaine public, Wikimedia Commons

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