Sur le chemin de l'histoire

L’histoire de Genève à travers ses noms de rues

En passant par les Eaux-Vives

La rue Anne de Lusignan

Née à Nicosie en 1418, Anne de Lusignan est la fille du roi de Chypre, Janus de Lusignan. Après avoir grandi dans le faste de la cour chypriote, elle embarque pour Chambéry pour épouser le futur duc de Savoie. Elle passe le reste de sa vie en Savoie, et fait déteindre sur cette région son goût pour les arts et sa dévotion religieuse.

Janus emprisonné, mariage négocié

La Maison de Lusignan est originaire du Poitou. Cependant, depuis la Croisade menée par Richard Cœur de Lion au XIIe siècle, elle règne sur l’île de Chypre. Toutefois, diriger ce point stratégique de la Méditerranée n’est pas de tout repos. Janus, le père d’Anne est retenu une partie de sa vie en otage à Gênes (qui tient sous sa coupe la ville chypriote de Famagouste). Il échoue ensuite à supprimer l’influence génoise sur l’île.

De plus, en représailles de raids effectués par des corsaires chypriotes en Syrie, le sultan mamelouk Al-Achraf Sayf ad-Dîn Barsbay fait débarquer son armée à Chypre, et vainc l’armée de Janus en 1425. Il fait emprisonner le roi de Chypre au Caire.

Humilié, Janus doit reconnaître la suzeraineté du sultan, verser un tribut de 20’000 dinars aux Mamelouks, et laisser la République de Gênes encaisser le revenu des douanes de Famagouste. Il meurt ensuite malade à Nicosie, le 29 juin 1432.

Janus a tout de même quelques soutiens en Europe. Parmi eux se trouve Amédée VIII, comte de Savoie. Il a en effet payer une grosse somme pour libérer Janus des Mamelouks. En échange, il a négocié avec le frère du roi, Hugues, pour que la princesse Anne épouse son fils, le futur duc de Savoie…

Anne de Lusignan
Cathédrale de Chartres - Chapelle de Vendômes - Janus de Lusignan, roi de Chypre, et de Charlotte de Bourbon (vitraux d'origine), XIIIe siècle

De Chypre à la Savoie

Anne de Lusignan est née à Nicosie le 24 septembre 1418. Un contrat de fiançailles est conclu entre elle et le fils aîné du duc de Savoie par son oncle en 1431. Cependant, son fiancé meurt cette année-là. Anne est alors promise en mariage au frère de son précédent fiancé, Louis.

Un convoi savoyard vient la chercher à Nicosie pour l’amener à Chambéry, où doit avoir lieu son mariage. Anne voyage par la mer en passant par Corfou, Venise, Naples et Nice. Elle finit son voyage par la terre en remontant le Rhône. Ce long périple dure trois mois. Elle est accompagnée par une partie de sa cour chypriote, qui restera avec elle en Savoie.

Elle se marie le 1er novembre 1433. Son mariage est des plus somptueux. Des nobles de toutes la Savoie assistent aux noces. Dès 1440, Anne devient duchesse de Savoie au côté de son mari, devenu Louis Ier, duc de Savoie. Bien plus intéressé par les arts que par la politique (en tant que second fils, il n’était pas destiné à régner), il laisse à sa femme une large possibilité de manœuvre, qui lui permet d’avoir une grande force politique au sein du duché.

Leur mariage donne naissance à de nombreux enfants (entre 14 et 17 selon les sources, dont 4 meurent en bas âge). Anne de Lusignan, fine stratège et très habile politiquement, place ses enfants à des postes stratégiques au sein des noblesses savoyardes et des cours influentes d’Europe. Une de ses filles, Charlotte de Savoie, devient même l’épouse de Louis XI, roi de France.

Anne de Lusignan
Tapisserie figurant deux personnages, probablement Anne de Lusignan et son époux, 1460-1465, Musée des arts décoratifs, Paris

Art et dévotion religieuse

Anne a grandi en manifestant beaucoup de goût pour les arts et la littérature. Dans ses bagages pour la Savoie, elle apporte d’ailleurs plusieurs manuscrits luxueux. Anne et Louis, unis par ce même goût artistique et littéraire, ont acheté ensemble pour la bibliothèque du duché de nombreux manuscrits richement enluminés. Les deux également très dévots, ils ont également acquis en 1453 une relique très précieuse : le Saint Suaire. Souvent exposé à Genève, il suit les époux lors de leurs nombreux déplacements au sein du duché.

Genève, cité chère aux deux époux, tient une place centrale dans leur vie. Ils y séjournent souvent. Anne fait fonder une chapelle consacrée à Notre-Dame de Bethléem dans le couvent des franciscains, qui se trouvait à la porte de Rive. Dans cette chapelle, elle fait construire une autre chapelle pour accueillir le Saint Suaire, et fait en sorte que son corps, ainsi que celui de son mari et de leurs descendants y soient inhumés. Si le Saint Suaire a continué à suivre la cour de Savoie pour être finalement conservé dès le XVIe siècle à Turin, les corps des deux époux ont fini selon leurs dernières volontés à Genève. Anne de Lusignan décède le 11 novembre1462 dans le couvent des franciscains. Son mari y est inhumé à ses côtés deux ans plus tard, après son décès à Lyon le 29 janvier 1465.

Anne de Lusignan
Anne de Lusignan, gravure, vers 1758-1766

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Sources

Brocard, Michèle, Marçais, Catherine. Anne de Chypre, duchesse de Savoie 1418-1462. Éditions Cabédita, 1994.

Dubois, Anne-Lydie. « Anne De LUSIGNAN ». 100Elles*. En ligne ici. 

« Anne de Lusignan-Chypre (1418- 1462) ». Princesses de Savoie. Des Alpes à l’Europe – 1000 ans de Princesses de Savoie. En ligne ici

Ziegler, Erica Deuber (dir.) et Tikhonov, Natalia (dir.). Les femmes dans la mémoire de Genève : du XVe au XXe siècle, Genève, Suzanne Hurter, 2005

Images

Image 1: Photographie de l’auteure

Image 2 à 4: Domaine public, Wikipedia Commons

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