Balade mémorielle

Quand les monuments de Genève rappellent son passé

Aux alentours de l’Arve

La tour de Champel

C’est donc une ruine moderne, mais fort ingénieusement construite avec d’anciens matériaux. Du sommet, la vue est superbe, et plus haut que le sommet par un escalier en fer qui fait peur, on peut ramper jusqu’au haut d’une échauguette accrochée de côté comme une lanterne…
(Marc Monnier, Gian et Hans, 1882, p.311.)

Construite à la fin du XIXe siècle, la tour de Champel observe Genève depuis près de 150 ans. Liée au développement de «Champel-les-Bains», elle avait pour première fonction d’embellir le quartier.

David Moriaud et la construction de Beau-Séjour

Avant d’être prisé par la bourgeoisie genevoise, le quartier de Champel avait une sombre vocation. Il servait en effet principalement de lieu d’exécution. Champ désertique hors des remparts et en hauteur, les autorités genevoises l’utilisent pour les pendaisons et les bûchers. On le voit de loin, et les spectacles qui s’y déroulent ont pour but de dissuader les futurs malfaiteurs.

En 1873, David Moriaud, poète, promoteur et avocat, cherche à concurrencer les stations thermales de Divonne et d’Evian. Son choix se porte sur Champel, où il fait construire en hauteur l’hôtel Beau-Séjour et au bord de l’Arve un établissement de cures thermales. L’établissement attire une clientèle fortunée et internationale.

Ce nouveau lieu de villégiature reste facile d’accès depuis Genève, grâce à une ligne de tramway. À la fin du XIXe siècle, la ville n’est pas encore trop urbanisée, ce qui laisse aux clients de Beau-Séjour une vue imprenable sur Genève, la campagne et les montagnes environnantes.

L'histoire de la tour de Champel

La tour, «fabrique» de Champel

La date exacte de construction de la tour n’est pas connue, ni son architecte d’ailleurs. Moriaud la fait construire entre 1877 et 1878. Proche de l’hôtel et des bains, elle est ouverte dès ses débuts au public. Construite dans un style néomédiéval, les pierres qui la composent proviennent d’une autre maison au bord du Rhône, construite au XIVe siècle. La tour de Champel a spécifiquement été pensée comme une tour du Moyen Âge en ruine, avec une architecture complexe (base carrée, corps octogonal et échauguette ronde). Son aspect médiéval est en accord avec le jardin dans lequel elle se trouve, qui garde un aspect sauvage.

La tour de Champel n’est pas le seul exemple de bâtiment néomédiéval. D’autres constructions du XIXe siècle partagent ce style sur le canton. C’est le cas de la Tour El Masr à Cologny ou encore de la Tour Rutty à Vandoeuvres. (C’est la dernière tour néogothique construite à Genève, en 1902).

La seule fonction de la tour de Champel est d’être un ornement. Les clients de l’hôtel se promènent dans le quartier, de la cure aux falaises surplombant l’Arve. La tour est là pour donner un but aux promeneurs. Il est également possible d’y grimper, afin de profiter d’une vue à 360° sur Genève. Elle devient même un salon de thé afin d’être encore plus attractive.

La tour est donc ce qu’on nomme une «fabrique», c’est-à-dire une

Petite construction de jardin comportant un espace intérieur, servant de ponctuation à la promenade en ménageant des vues et en offrant au promeneur un lieu de repos à l’abri des intempéries.
(Jardin, vocabulaire typologique et technique, 2000, p.170).

L'histoire de la tour de Champel

La fin des bains, mais la tour reste

L’urbanisation de Genève au début du XXe siècle provoque un déclin de la fréquentation de Beau-Séjour et de Champel-les-Bains. David Moriaud continue les constructions vers la tour, notamment sa villa en 1899. La propriété est cependant vendue en 1902 et acquise en 1904 par Edouard de Nottbeck. Rentier, il transforme la villa en une grande demeure néogothique.

L’État de Genève rachète l’hôtel Beau-Séjour en 1943. L’hygiène s’étant largement améliorée dans les maisons et appartements, les bains ont perdu leur utilité publique. Détruit en 1957, l’hôtel laisse ensuite sa place à la clinique Beau-Séjour.

La maison Nottbeck est détruite en 1978. Cependant, la tour reste. Après plusieurs projets avortés, la Ville la restaure et en condamne l’accès intérieur. Elle reste désormais le témoin de cette partie de l’histoire genevoise et de son goût pour les promenades et le style néogothique.

L'histoire de la tour de Champel

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Bibliographie

Badel, Pierre-Henri. « La tour et les bains de Champel ». Immoscope.ch, 21.08.2020. En ligne ici.

Bosch, Arnaud. « Champel ou la colline aux sombres secrets ». Trajectoire, n°112, 2015. En ligne ici.

Palfi, Véronique. « TOUR de CHAMPEL. 7, chemin de la Tour-de-Champel. Étude historique ». Parue en décembre 2007 sous l’égide de la Conservation du patrimoine architectural de la ville de Genève.

Images

Image 1, 3 et 4: Photographies de l’auteure

Image 2 : Champel les Bains, 1889. ©Yannik Plomb, https://notrehistoire.ch

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