La rue de la Fontaine cache derrière son nom évident une histoire riche et méconnue. Tour à tour voie stratégique, lieu de résidence de notables et espace de vie marqué par la présence de plusieurs fontaines, elle reflète l’évolution urbaine et sociale de la ville du XVe au XXe siècle.
Avant de porter son nom actuel, la rue de la Fontaine s’appelait la rue du Boule. Ce nom ancien remonte au XVe siècle et ferait référence à un bourgeois genevois, probablement Guillaume Bola, dit aussi Guillaume Boule, membre d’une famille bien implantée dans le quartier. Ce dernier, dizenier (magistrat municipal) en 1502, était reconnu pour sa générosité et son influence locale.
Certains historiens suggèrent également des étymologies alternatives pour le nom Boule, telles qu’un lien avec la Tour-de-Boël, ou une origine celtique du mot boule, signifiant «place gazonnée». Toutefois, l’hypothèse d’un hommage à la famille Bola demeure la plus plausible.
Jadis, cette rue occupait une position stratégique sur l’itinéraire emprunté par les évêques de Genève lorsqu’ils quittaient l’évêché pour rejoindre leur propriété de Longemalle. Elle comptait aussi des maisons distinguées, renforçant son importance historique dans l’ancien quartier de Rive.
La raison de ce nom de rue n’est pas très compliquée à deviner… Cette nouvelle dénomination découle de l’installation d’une fontaine publique en 1835. C’est suite à une pétition collective des habitants qu’elle trouve sa place dans cette rue. Dès 1831, une trentaine de propriétaires réclament la construction d’un point d’eau ainsi qu’un changement de nom pour la rue. La Chambre des travaux publics donne suite à cette demande, et en 1834, un devis est établi pour une fontaine adossée au mur de la terrasse Agrippa-d’Aubigné.
Les maçons Jean-Louis Junod et Moïse Jaubert se voient confier la réalisation des travaux. La fontaine se compose d’un bassin encastré dans une haute niche voûtée et concave, construite en blocs de calcaire soigneusement appareillés. À l’origine, c’est l’eau de la fontaine du Bourg-de-Four qui l’alimente. Le trop-plein s’y déverse dans un petit bassin à laver, rectangulaire aux angles arrondis. L’ensemble, inauguré en 1835, fait officiellement entrer la rue dans une nouvelle ère, marquée par la modernité de l’équipement public et la reconnaissance administrative de son nouveau nom : la rue de la Fontaine.
La fontaine de 1835 n’est pas la seule que l’on croise en descendant la rue de la Fontaine. À ses abords, sur la place de la Madeleine, on trouve deux autres fontaines. L’une est récente, et l’œuvre du sculpteur John Aldus en 1977: Water Ring.
L’autre est une fontaine historique, dont les origines remontent à 1756. C’est aussi suite à la demande des riverains qu’on l’installe. Elle utilise le trop-plein des fontaines du Collège et du Bourg-de-Four. Le projet accepté, la fontaine se place contre le mur nord du site, côté rue du Purgatoire.
Avec le temps, plusieurs réaménagements modifient son apparence et son emplacement. La transformation la plus marquante date des années 1914 à 1924, lors de la restauration du temple et de la création de la nouvelle place de la Madeleine. Un concours est organisé pour une nouvelle fontaine, réalisée par le sculpteur Luc Jaggi. Ce monument se compose d’un bassin évasé en calcaire, flanqué de deux bas-reliefs en pierre de Savonnière représentant des putti symbolisant le printemps et l’été.
Mots-clés: Histoire Suisse et genevoise; Monuments; Noms de rues
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« D’ou viennent les noms de quelques rues genevoises ? ». La Tribune de Genève, 6 décembre 1928. En ligne ici.
« Fontaine de la rue de la Fontaine ». Site de la Ville de Genève. En ligne ici.
« Genève qui s’en va ». La Tribune de Genève, 1 février 1922. En ligne ici.
Isabelle Brunier. Les Monuments d’art et d’histoire du canton de Genève, tome IV, Genève espaces et édifices publics. SHAS, 2016. En ligne ici.
Images 1, 3, 4 et 5. Photographies de l’autrice.
Image 2. Détail des plans de Jean-Michel Billon, 1726-1728.