Menu
Expression utilisée pour désigner des fonds illicites, la caisse noire décrit de l’argent qui n’est pas toujours rangé dans une caisse, et une caisse qui n’est pas forcément noire. Alors d’où vient ce terme, et que désigne-t-il ?
D’après Jean-Pierre Bueb, expert dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la corruption, une caisse noire est :
Une « boîte » dans laquelle est versé de l’argent en liquide provenant de dons ou de contributions, et qui sert à payer, sans laisser aucune trace comptable, des dépenses diverses que l’on aurait du mal à payer par d’autres moyens […]
La caisse noire, c’est aussi cette « boîte » dans laquelle on met de l’argent par avance, sans savoir comment on l’utilisera par la suite.
Une caisse noire ne désigne donc pas automatiquement un fonds financier illégal. Lorsque plusieurs personnes se cotisent pour offrir un cadeau à quelqu’un et qu’elles confient à une seule personne du groupe la somme collectée, qui l’utilisera sans ligne budgétaire et sans donner de facture en retour, c’est une caisse noire. Il n’y a cependant aucun problème tant que ces fonds sont alimentés par la paie salariale de chacun, et que cet argent est donc taxable et imposable.
Cependant, lorsque la caisse noire contient de l’argent détourné et soumis à aucune taxe, le système devient illégal. Dans l’usage et dans le langage courant, c’est cette définition de la caisse noire qui prédomine.
Pourquoi l’image de la caisse noire ? Selon l’historien Henri Vincenot, l’origine remonte au XIXe siècle. Elle vient de l’industrie des chemins de fer, qui prend son essor à ce moment-là. Les employés travaillant sur les rails n’ont alors pas d’assurance, d’allocations ou de système de retraite. Les gouvernements méfiants empêchent également toute tentative pour créer une société de secours mutuels. Ils craignent en effet que cela n’amène la création d’un syndicat ou d’une association politique à l’échelle nationale.
C’est alors dans la clandestinité que se mettent en place les caisses de secours. Les ouvriers organisent des quêtes pour les victimes d’accidents et leurs familles. Les quêtes se transforment ensuite en versements volontaires et réguliers, donnés au moment de la paie. Ces dons en liquide sont déposés dans une caisse qui circule clandestinement de main en main.
La caisse en question, après être passée par les mains sales et couvertes de charbon de tous les ouvriers, devient rapidement noire. Elle est par la suite définitivement peinte de cette couleur. L’expression «caisse noire» qui découle de cette solidarité ouvrière, est attestée depuis 1822.
L’équivalent anglais de la caisse noire, c’est l’expression «slush fund» (littéralement «fonds de graisse». L’histoire est similaire à celle de la caisse noire. Elle vient du milieu maritime. Elle désigne un fonds financier collecté par un équipage en vendant les rebuts de graisse («slush») des cuisines d’un navire.
Cet argent, tenu à part des comptes du bateau, était ensuite utilisé pour les membres de l’équipage. La première mention d’un «slush fund» date aussi du XIXe siècle, en 1839.
Mots-clés: Anecdotes historiques; Expressions
Vous avez une question sur un sujet historique? N’hésitez pas à m’écrire, ou à le mentionner en commentaire!
Bueb, Jean-Pierre. « La caisse noire comme moyen de paiement de la corruption dans les marchés publics ». La corruption dans les marchés publics : actes : programme d’action contre la corruption. Rapports et conclusions de la 2e Conférence européenne des services spécialisés dans la lutte contre la corruption. Tallinn (Estonie), 27-29 octobre 1997, pp.81-93.
Garg, Anu. « Slush Fund». A Word A Day, 01.03.2017. En ligne ici.
Vincenot, Henri. La vie quotidienne dans les chemins de fer au XIXe siècle, Paris, Hachette, Collection La vie quotidienne, 1975, pp.53-54. Cité par : Sabot, Thierry. « La caisse noire des chemins de fer », Histoire Généalogie, 12.11.2009. En ligne ici.
Images: Pixabay