Impératrice dont le mythe a traversé l’histoire jusqu’à aujourd’hui, Élisabeth de Wittelsbach, connue sous le surnom de «Sissi» est décédée à Genève il y a 125 ans, le 10 septembre 1898. Tuée par un anarchiste lors d’un séjour incognito et imprévu, sa mémoire reste présente au bord du lac, au lieu de son assassinat.
Mariée dès 16 ans à François-Joseph 1er, empereur d’Autriche, Élisabeth de Wittelsbach n’a jamais été à l’aise au milieu de la cour des Habsbourg. Elle a beaucoup voyagé en Europe durant son règne, pour sa santé et pour s’éloigner de sa demeure impériale de Vienne.
En 1893, âgée de 56 ans, elle découvre la Riviera vaudoise. Elle effectue alors plusieurs séjours proches de Montreux, dans des villégiatures choisies pour leur tranquillité et leur isolement.
En 1898, elle séjourne dans le Grand Hôtel de Caux. Elle y demeure incognito, sous le nom de comtesse de Hohenems. Le 9 septembre, elle se rend à Genève pour un déjeuner chez la baronne de Rothschild à Pregny. Après le repas, elle flâne dans les rues de Genève avec sa dame de compagnie, la comtesse Irma Sztáray. Elles se rendent ensuite à l’hôtel Beau-Rivage, où elles passent la nuit avant de retourner à Caux le lendemain.
Elisabeth veut prendre le bateau qui quitte Genève pour Montreux à 13h40, afin de retourner à Caux. A 13h35, elle sort de l’hôtel avec sa dame de compagnie pour se rendre au quai du Mont-Blanc, à quelques mètres de là.
Tout à coup, un homme embusqué derrière un arbre du quai surgit. Il s’appelle Luigi Lucheni. Il va à la rencontre de l’impératrice, lève son poing et la frappe au cœur. Une lime aiguisée de 9 cm est cachée dans sa main.
Croyant n’avoir reçu qu’un coup de poing, Elisabeth s’évanouit, chute, mais se relève assez vite. Elle dit à Irma Sztáray qu’elle ne souffre pas, et elles montent ensemble sur le bateau.
L’impératrice est de plus en plus pâle, et se plaint de douleurs à la poitrine. Elle a un nouveau malaise, et plusieurs personnes viennent aider Irma à prendre soin d’Elisabeth. Tombant à nouveau dans les pommes quelques minutes plus tard, la dame de compagnie délace son corset et aperçoit une tache de sang. Elle alerte le capitaine et révèle l’identité de la soi-disant comtesse de Hohenems. Le bateau fait demi-tour, et Sissi est ramenée à l’hôtel Beau-Rivage, où elle décède peu après, à 14h40.
Après une autopsie, le corps de l’impératrice est placé dans un cercueil. Un train spécial arrive de Vienne pour ramener Sissi dans la capitale impériale. Ses obsèques ont lieu le 17 septembre 1898.
Luigi Lucheni est né à Paris le 22 avril 1873, d’un père inconnu et d’une mère italienne qui l’abandonne à sa naissance. Il grandit en foyer, et gagne sa vie très jeune et misérablement comme ouvrier journalier en Suisse. Il rejoint les mouvements communistes et anarchistes.
À l’origine, Lucheni a une autre cible en tête : le prince Henri d’Orléans. Cependant, ce dernier a changé ses plans, et n’est pas à Genève. Il choisit alors une autre aristocrate comme victime. N’ayant pas les moyens d’acheter un couteau, il se procure une lime, qu’il fait affuter.
Après son méfait, il se fait rapidement arrêter par les passants. Ils ne savent pas qu’il a commis un meurtre, ni que sa victime est l’impératrice Sissi. Pour eux, il a «frappé une dame inconnue».
Durant son interrogatoire, il donne rapidement son motif: «Parce que je suis anarchiste, parce que je suis pauvre, parce que j’aime les travailleurs et souhaite la mort des riches».
Lucheni est condamné à la prison à perpétuité, Genève ayant abolit la peine capitale en 1871. Il cherche d’ailleurs à se faire changer de canton afin d’être mis à mort, en vain. Il meurt douze ans plus tard, en 1910. On le retrouve pendu dans sa cellule.
Après sa mort, Sissi a continué à alimenter l’imaginaire social. Sa vie malheureuse (elle ne s’est jamais remise de la mort de deux de ses enfants, surtout de son fils Rodolphe, qui s’est suicidé à 30 ans) et son refus de se conformer à la cour des Habsbourg ont mystifié son image. De plus, l’impératrice a compris plus tôt que le reste de son entourage que l’empire était en déclin, et que la fin d’un monde s’annonçait.
Tout ceci a contribué à créer un mythe autour de la figure de Sissi. L’impératrice ne manque pas de monuments à sa mémoire. A Vienne bien sûr, mais aussi dans plusieurs villes de Hongrie, d’Italie et de Suisse. A Genève, une plaque a été posée au lieu de son assassinat, sur le quai du Mont-Blanc.
De plus, pour le centenaire de sa mort, les autorités genevoises ont érigé une statue à la mémoire de l’impératrice proche de l’hôtel Beau-Rivage. Œuvre du sculpteur Philip Jackson, son inauguration a failli être perturbée… par un groupe de manifestants déguisés en anarchistes, à l’image de Luigi Lucheni.
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Images 1, 4 et 5 : Photographies de l’auteure
Image 2 : « Elisabeth d’Autriche (1837-1898), le jour de son couronnement comme reine de Hongrie ». Photographe : Emil Rabending, 1867. Domaine public, Wikipedia Commons
Image 3 : « Assassinat de l’impératrice Elisabeth d’Autriche à Genève par Luigi Lucheni , 1898 ». Publié pour la première fois dans ‘Le Petit Journal’ (Paris, 25 septembre 1898). Domaine public, Wikipedia Commons