La Promenade de Saint-Antoine, aujourd’hui lieu de flânerie au centre de Genève, dissimule sous ses pavés une histoire millénaire. Depuis les premières occupations antiques jusqu’à son rôle actuel d’espace public, cette esplanade a connu de nombreuses métamorphoses, révélées notamment par les fouilles archéologiques entreprises depuis 2012.
Les couches les plus anciennes mises au jour sur le site remontent au Ier siècle avant J.-C. À cette période, l’endroit sert de dépotoir en limite de la ville antique. Au Ier siècle de notre ère, l’ouest de l’actuelle promenade accueille une résidence gallo-romaine. Une pièce rectangulaire de stockage est bâtie au-dessus d’un vide sanitaire rempli d’amphores à huile. Ce type de structure est bien connu dans l’Empire romain, mais c’est le premier exemple conservé à Genève.
Cependant, un habitat plus ancien précède cette installation. On le date du début du règne d’Auguste, avec des constructions sur poteaux de bois et des fosses-dépotoirs. Cet ensemble semble détruit par un glissement de terrain, avant de devenir un dépôt secondaire d’incinération. Dès le IIe siècle, les lieux changent de vocation. Les habitations sont abandonnées, laissant place à une vaste nécropole, utilisée jusqu’au VIe siècle.
Entre les Ve et VIIe siècles, une grande église funéraire mérovingienne, identifiée comme l’église Saint-Laurent, est construite au cœur du site, entourée de son cimetière. Elle recouvre en partie les sépultures plus anciennes.
Au Xe siècle, l’église semble abandonnée, mais les inhumations continuent sur ses ruines, notamment dans sa nef et son portique. Certaines tombes multiples, datées des XIe au XIIIe siècles, laissent supposer des inhumations de crise, probablement liées à des épidémies. Au total, les archéologues identifient plus de 300 structures funéraires, allant de la fin du IVe au milieu du XIIIe siècle.
À partir du XIIe siècle, des sources écrites attestent l’existence d’une chapelle modeste. Elle est construite sur les ruines de l’église. Mais en 1537, ces vestiges sont en grande partie détruits pour faire place au «mottet» de Saint-Laurent, un ouvrage défensif de l’époque de la Réforme.
Dès 1560, ce «mottet» s’intègre au bastion de Saint-Antoine, l’un des éléments des fortifications orientales de la ville. Des fouilles plus récentes ont permis de dégager une casemate d’accès de ces fortifications. Ces défenses perdurent jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
Le site tire son nom d’une chapelle dédiée à Saint-Antoine. Elle s’adossait alors à la porte homonyme ouverte dans l’enceinte médiévale au XIIIe siècle. En 1718, les autorités font aménager la promenade Saint-Antoine sur les anciens remparts. On y installe des bancs et on y plante une vingtaine d’arbres.
Cette promenade, située en face de l’ancienne porte murée en 1564, devient un lieu apprécié pour la beauté de son panorama. Son extrémité nord offre une vue remarquable sur le petit lac. Les promeneurs réguliers comme les voyageurs de passage la décrivent comme l’une des plus belles d’Europe. Stendhal lui-même, ne manquait jamais d’y passer lors de ses séjours à Genève.
À partir de 1775, plusieurs hôtels particuliers voient le jour sur la promenade. En 1806, un nouvel alignement d’arbres – tilleuls, ormes et marronniers – s’y place grâce à l’initiative du maire de l’époque, le baron Frédéric Maurice.
On construit aussi un petit observatoire pour profiter de ce paysage exceptionnel. Il se déplace en 1829 devant le futur Musée d’Art et d’Histoire, grâce à un crédit de 68’000 florins voté à cet effet.
En 1866, la destruction des fortifications et le percement de la rue Charles-Galland divisent la promenade en deux. La partie sud se transforme en parking en 1942. Pour cela, il faut malheureusement abattre les arbres qui s’y trouvent.
Dans les années 1990, des initiatives permettent la restauration de la promenade. Elle est élargie et plantée de micocouliers, au-dessus d’un parking souterrain qui recèle les vestiges archéologiques précités.
Mots-clés: Histoire Suisse et genevoise; Noms de rues
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Carole Schaub, Nicolas Yerly. « D’une pierre deux coups. Le bastion Saint-Antoine à Genève Mise en valeur du site archéologique et aménagement ». WBW, 2017. En ligne ici.
Evelyne Broillet-Ramjoué. « Esplanade de Saint-Antoine – 2012-2015 ». Site de l’Etat de Genève, 2019. En ligne ici.
« Promenade de Saint-Antoine ». Site de la Ville de Genève. En ligne ici.
Site des Noms géographiques du canton de Genève.
Images 1, 2 et 4. Photographies de l’auteure.
Image 3. Domaine public, Wikimedia Commons.