La rue des Barques à Genève rend hommage aux anciennes barques connues sous l’appellation «barques du Léman» ou «barques de Meillerie», qui croisaient sur le Léman jusqu’au début du XXe siècle. Certaines d’entre elles, comme la Neptune, sont toujours à flot aujourd’hui.
Les barques du Léman sont des voiliers à voiles latines emblématiques du lac Léman. Ces embarcations imposantes, longues d’environ 30 mètres et pesant près de 70 tonnes, ont servi principalement du XVIIIe au début du XXe siècle pour le transport de marchandises, notamment de matériaux de construction. Leur nom provient de la célèbre carrière de Meillerie, sur la rive française du lac, d’où on extrayait des pierres destinées aux grandes villes lémaniques, notamment Genève.
La toute première barque, la Gaillarde, construite en 1691, marque un tournant dans la navigation lémanique. Grâce à ses voiles latines (en triangle), elle remonte efficacement au vent et offre une capacité de chargement sans précédent. Le pont dégagé permet le transport massif de matériaux comme le bois, le gravier ou la pierre. L’efficacité des barques fait disparaître les naus, embarcations plus anciennes. Les barques connaissent leur un âge d’or entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle.
À la Belle Époque, le développement immobilier, en particulier à Genève, provoque une forte demande de matériaux. Les barques s’adaptent parfaitement à cette économie de chantier. En 1900, on compte encore environ 60 barques en activité sur le Léman. Cependant, l’arrivée du chemin de fer et des transports routiers, combinée à la Première Guerre mondiale, entraîne un déclin rapide de ce mode de transport.
À partir des années 1930, on équipe certaines barques de moteurs. Mais malgré cette modernisation, leur activité commerciale cesse progressivement. La plupart disparaissent, coulent ou finissent démantelées. Seules quelques unités survivent grâce à l’engagement d’associations et d’institutions publiques, qui entreprennent leur restauration dans une logique de préservation du patrimoine.
Parmi les survivantes de cette époque, la Neptune, construite en 1904 à Locum, sur la rive française du Léman, est aujourd’hui un symbole de l’histoire navale genevoise. Conçue pour transporter les pierres de Meillerie et le gravier du Rhône, cette barque effectue de nombreuses traversées entre la Savoie et Genève. Son exploitation commerciale dure jusqu’en 1969. On lui ajoute un moteur en 1931, et elle sert aussi de barge pour des engins de génie civil.
En 1971, alors qu’elle est à l’abandon, l’État de Genève la rachète. Elle coule peu après à son amarrage. Renflouée puis restaurée une première fois entre 1972 et 1976, elle vogue à nouveau. En 1976, sa gestion est confiée à la Fondation Neptune, qui assure depuis sa conservation. Classée monument historique en 1993, elle subit une restauration complète en 2004-2005. La coque est refaite, la quille d’origine en sapin blanc est remplacée.
Aujourd’hui, la Neptune mesure 27,3 mètres de long pour 8,5 mètres de large, avec des mâts culminant à 30 mètres et une voilure de 275m². Elle peut accueillir jusqu’à 40 passagers à la voile et 70 avec le moteur. Amarrée à Genève, près des Pierres-du-Niton, elle navigue régulièrement à des fins touristiques et culturelles.
Cinq grandes embarcations perpétuent aujourd’hui la mémoire des barques du Léman: La Neptune (Genève), La Vaudoise (Ouchy), La Savoie (Évian), La Demoiselle (Villeneuve) et L’Aurore (Saint-Gingolph). Si leurs fonctions sont désormais tournées vers la plaisance, la pédagogie ou le tourisme, elles restent fidèles à l’architecture et à l’esprit des barques d’autrefois.
Mots-clés: Histoire Suisse et genevoise; Noms de rues
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Images 1 et 4. Photographies de l’autrice.
Images 2 et 3. Domaine public, Wikimedia Commons.