Le 17 janvier 1670 un incendie ravage le pont du Rhône. Cet événement traumatique a profondément marqué l’histoire de la ville, causant la mort de plus de cent personnes et entrainant la destruction d’un des principaux axes commerciaux de Genève. La reconstruction du pont, qui suivit cette tragédie, symbolise le tournant d’une époque et l’adaptation de la ville face à un avenir de plus en plus modernisé.
Au XVIIe siècle, Genève est une ville en pleine transformation, marquée par son évolution en un centre commercial et stratégique. La ville s’étend désormais le long du Rhône et du lac Léman, tirant profit de son positionnement géographique. L’un des éléments clés de cette expansion est le pont du Rhône, un ouvrage important reliant les deux rives du fleuve. Ce pont est bien plus qu’une simple structure de passage. Il est en effet au cœur du commerce genevois, un lieu où artisans et commerçants se côtoient dans un quartier animé.
Le pont du Rhône, doublé au cours du XVIe siècle pour mieux supporter le trafic, est également un lieu d’habitation. Il est bordé de maisons et d’ateliers, ainsi que de moulins et des échoppes qui profitent de l’eau du fleuve pour fonctionner. La ville, renfermée dans ses fortifications, perçoit dans l’eau un espace de développement vital. Cette disposition crée un enchevêtrement complexe d’habitat et d’activité commerciale autour du pont. La situation géographique de l’île, au centre du fleuve, fait de ce lieu un carrefour incontournable pour la ville et ses habitants.
La nuit du 17 au 18 janvier 1670 marque un tournant dramatique dans l’histoire de Genève. Un incendie dévastateur ravage le pont du Rhône, emportant avec lui maisons, usines, et surtout les vies de plus d’une centaine de personnes. Le sinistre se déclenche rapidement, se propageant à travers le bois et les matériaux inflammables des bâtiments, jusqu’à détruire totalement le pont et ses alentours.
Les témoignages de l’époque, comme les gravures et poèmes réalisés après la catastrophe, illustrent la terreur et l’incompréhension des habitants face à une telle tragédie. On peut par exemple citer ces lignes d’Abraham Bonnet, potier d’étain genevois ayant assisté à cette catastrophe.
« Au milieu de la nuit le pont fut enflammé;
Car le feu par dessous s’était fort allumé,
Tout ainsi qu’un brûlot qui est tout combustible,
Fit un embrasement si grand et si horrible,
Que je ne pense pas que dessous le soleil,
Aucun homme vivant ait vu son pareil. »
Cet événement traumatique bouleverse Genève et laisse un vide dans la ville. Au-delà de la destruction matérielle, le drame laisse une empreinte émotionnelle profonde sur les habitants, et son impact est ressenti tout au long du siècle suivant.
La reconstruction du pont du Rhône après l’incendie de 1670 est une étape cruciale dans l’histoire de Genève. Les autorités de l’époque ordonnent rapidement sa reconstruction, mais avec une différence importante. Le nouvel ouvrage ne comportera plus de maisons ni de commerces, afin de prévenir une nouvelle catastrophe. Le pont, désormais dénué de ces constructions annexes, se transforme en un simple passage. Il modifie ainsi l’organisation de la ville et réduisant la densité autour de ce lieu stratégique.
Ce changement marque le début d’une nouvelle ère pour Genève, une époque où l’urbanisme se réorganise, privilégiant des espaces publics ouverts. C’est ainsi que la place Bel-Air voit le jour à l’entrée du pont (elle s’appelait avant la place des Trois-Rois). Son nom, «belle aire, bien aérée», souligne ce nouvel aspect ouvert. Ce n’est qu’à partir du XIXe siècle que la ville de Genève commence à envisager de nouveaux projets d’aménagement, dont la transformation du pont en structures métalliques plus modernes.
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Abraham Bonnet. Poëme sur l’embrasement arrivé à Genève sur le pont du Rhosne, dés la nuit du lundy 17. jusques au jour du mardy 18. janvier 1670. Genève, Fick, 1886. En ligne ici.
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