Entre symbole de luxe dans l’Antiquité, inventions italiennes modernes, et innovations féminines au XIXe siècle, l’histoire de la glace a traversé l’histoire. Celle-ci est étroitement liée à l’évolution des techniques, de la conservation des aliments et des échanges culturels.
L’histoire de la glace débute bien avant l’invention de la réfrigération moderne. Il y a 4’000 ans, les Chinois savouraient déjà du sirop glacé, ancêtre des desserts que nous connaissons aujourd’hui. Vers 400 avant J.-C., les Perses buvaient du sharbat, une boisson faite de sirops de cerise, coing ou grenade, refroidie à l’aide de neige. Ces délices glacés étaient réservés aux élites, car la collecte et la conservation de la glace impliquaient des efforts considérables, et donc des coûts importants.
Des récits historiques mentionnent également Alexandre le Grand appréciant la neige aromatisée au miel, tandis que l’empereur Néron, au Ier siècle, faisait venir de la neige des montagnes pour servir des fruits écrasés mélangés à du miel. L’usage de la glace était alors répandu en Mésopotamie, Égypte, Grèce et Rome, bien avant les premières glaces au lait.
Les civilisations anciennes utilisaient des fosses profondes ou des constructions souterraines, conçues pour conserver la glace. Les ouvriers isolaient les blocs avec de la paille ou de la sciure. Le transport de neige depuis les montagnes jusqu’aux villes, se faisait de nuit pour éviter la fonte. Au Moyen Âge, la tradition perdure.
Dès le XVIe siècle, en Italie, on découvre les principes scientifiques de la congélation. Une réaction endothermique provoquée par le mélange de sel et de glace abaisse le point de congélation, permettant de solidifier les crèmes. Dès lors, on retrouve les premiers écrits sur les procédés de fabrication du sorbet et des vins glacés. À Naples, en 1690, paraît le premier manuel anonyme sur les sorbets. Peu après, en 1692, le premier ministre du vice-roi espagnol à Naples, Antonio Latini, publie Lo scalco alla moderna qui contient les premières recettes de glace au lait.
En parallèle en 1686, à Paris, le Sicilien Francesco Procopio dei Coltelli fonde le Café Procope, véritable pionnier des cafés-glaciers. Il y propose plus de 80 parfums, attirant aristocrates et intellectuels dans son établissement chic.
Au XVIIIe siècle, les sorbets se démocratisent dans les villes européennes. On trouve désormais des granitas, des sorbets au lait (ancêtre de la crème glacée, comme nous l’entendons aujourd’hui) et des coupes glacées fabriquées en porcelaine dans des manufactures prestigieuses comme celle de Sèvres. En 1768, L’art de bien faire les glaces d’office arrive en librairie. Il s’agit du premier ouvrage entièrement dédié aux glaces.
Le XIXe siècle marque un tournant décisif dans l’histoire de la glace. Les avancées techniques, la fabrication et la conservation deviennent progressivement plus efficaces, amorçant une démocratisation progressive de ce dessert jusque-là réservé à une élite.
En 1843, une innovation majeure bouleverse la production domestique. Nancy Johnson, une Américaine de New York, dépose un brevet pour la première sorbetière à manivelle. Cette invention permet de réduire considérablement le temps de fabrication de la crème glacée. Alors qu’il fallait auparavant plusieurs heures de travail manuel, la manivelle de Johnson permet d’obtenir une glace onctueuse en 45 minutes. L’appareil devient rapidement populaire et inspire de nombreuses améliorations.
Peu après, en 1851, Jacob Fussell, un laitier de Baltimore, révolutionne à son tour le secteur en ouvrant la première usine de production de glace à grande échelle. À l’origine, Fussell cherchait à écouler son surplus de crème. Il décide donc de produire de la glace en série, posant les bases de l’industrie moderne. Cette initiative permet pour la première fois de produire des glaces en grande quantité, à un coût bien plus abordable.
Pendant ce temps, en Europe, des avancées parallèles ont lieu. En 1860, l’ingénieur français Charles Tellier met au point la première machine frigorifique, rendant possible la production de froid artificiel. Cette invention marque un pas de géant pour la conservation des aliments et des glaces, ouvrant la voie aux chaînes du froid et aux congélateurs modernes. L’apparition de l’électricité dans les foyers à la fin du siècle facilite encore la diffusion de ces technologies.
En Angleterre à la fin du XIXe siècle, Agnes Bertha Marshall, surnommée «la reine des glaces», perfectionne la sorbetière à manivelle, introduit l’usage de la crème fouettée dans les recettes glacées. Elle publie plusieurs ouvrages culinaires et fonde une école de cuisine, contribuant à diffuser la culture de la glace dans les classes moyennes anglaises.
Grâce à ces innovations industrielles, techniques et culturelles, la crème glacée devient progressivement plus accessible. Des glaciers ambulants, des boutiques spécialisées et des fontaines à soda se multiplient aux États-Unis comme en Europe. Le dessert glacé, jadis réservé aux têtes couronnées, entre dans le quotidien de toutes et tous.
Mots-clés: Anecdotes historiques; Histoire antique; Recettes
Vous voulez découvrir une autre recette historique?
Alfonso López. « À quand remonte notre amour pour les glaces ? ». National Geographic. En ligne ici.
Nathalie Louisgrand. « Tout ce que vous pensiez savoir sur l’origine de la crème glacée est faux ». Slate, 03.08.2022. En ligne ici.
« Quelle a été la première glace au monde ? ». Museum of Ice cream, 14.06.2022. En ligne ici.
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