Un jour, une histoire

Que s’est-il passé le… ?

23 novembre 1883

La collision du Rhône et du Cygne

Le 23 novembre1883, le lac Léman a été le théâtre d’une catastrophe nautique. Deux bateaux à vapeur, Le Rhône et Le Cygne entrent en collision. La catastrophe fait plusieurs morts, et Le Rhône sombre. Aujourd’hui encore, il gît toujours au fond du lac, à 300 mètres de profondeur.

La catastrophe du Rhône

23 novembre 1883, 17h30. La nuit est déjà tombée, le temps est exécrable. La pluie et le vent se déchaînent. La visibilité est mauvaise, et la navigation sur le lac difficile. 15 minutes plus tôt, le bateau Le Rhône quitte Évian pour se rendre à Ouchy. À la même heure, Le Cygne sort du port d’Ouchy pour rejoindre Évian. Le mauvais temps le pousse à se diriger plutôt sur Thonon. Il change finalement de direction par une manœuvre subite pour se diriger sur Évian, et entre en collision avec Le Rhône.

Le Rhône, éperonné sur son flanc, subit des dommages considérables. La panique monte à bord, et les 30 personnes présentes sur le bateau tentent de se sauver. Aidés par les membres d’équipages, les passagers essayent de monter à bord du Cygne, mais 11 personnes périssent. Lorsque Le Cygne se dégage, l’eau rentre dans la brèche sur le flanc du Rhône, qui coule à pic. En moins de 5 minutes, tout est fini.

Les jours suivants, les journaux locaux recueillent et publient des témoignages bouleversants de la catastrophe :

Tout allait bien cependant, et les deux bateaux devaient se voir, lorsque, par une manœuvre incompréhensible, le Cygne fit une brusque conversion du côté du Rhône, comme s’il cherchait à reprendre sa route réglementaire à gauche. Mais le pilote aura mal calculé sa distance, et l’avant du Cygne est venu frapper, presque à angle droit, le flanc gauche du Rhône, à trois mètres en avant des cuisines.
On peut juger de l’effroi des quelques personnes qui, sur le Rhône, ont vu qu’une collision était inévitable. […] Les deux bateaux sont restés quelques instants enchevêtrés l’un dans l’autre, le Cygne supportant l’autre, et sitôt qu’ils furent séparés, l’eau envahit le Rhône par la cabine d’avant. Ce bateau n’a pas tardé à s’enfoncer par la proue, l’arrière s’étant dressé au-dessus de l’eau.
A ce moment il a régné une confusion inexprimable. L’abordage avait éteint toutes les lumières du Cygne : on distinguait seulement comme des ombres courant en tous sens…

(Journal de Genève, édition du 25.11.1883)
[…] la brèche, largement ouverte dans le flanc du Rhône, livra plein passage à l’eau et le Rhône commença à couler bas à vue d’œil. Des cris inarticulés, cris de désespérés, cris d’angoisse et de terreur partaient de son pont, poussés par des voix féminines. […] Hélas, les pauvres victimes étaient d’ores et déjà condamnées. Il n’y avait plus de sauvetage possible.
[…] Un jeune couple, originaire d’Auvergne, allait à Chillon, en voyage de noces, accompagné du fils de la propriétaire où il logeait à Genève ; ce jeune homme, âgé de dix-huit ans, a échappé au naufrage, ainsi que le mari. Ce dernier a fait de vains efforts pour sauver la vie de sa jeune femme ; un instant il crut l’avoir saisie par ses vêtements et la ramener à bord du Cygne; mais là une grande douleur l’attendait: celle qu’il avait arrachée à la mort était une pauvre femme inconnue, une marchande de châtaignes, dont le premier cri fut de demander ce qu’était devenue sa marchandise…

(Gazette de Lausanne, édition du 26.11.1883)
collision sur le lac le 23 novembre 1883

Après s’être extirpé des entrailles du Rhône, le Cygne fait marche arrière et rejoint Ouchy à reculons. La manœuvre a pour but d’éviter que l’eau ne s’engouffre dans la brèche du bateau.

Le capitaine du Cygne est arrêté peu après la catastrophe, mais est relâché tout aussi vite. Lors de son procès en mars 1884, il est acquitté, jugeant que ses manœuvres suivaient les règles de navigation du lac. De plus, sa mère et sa sœur, montées à bord du Rhône ce jour-là ont été victimes de la catastrophe.

Pointe d’optimisme dans cette collision dramatique : elle a permis de prendre conscience de la nécessité de bien gérer la sécurité et le sauvetage sur le lac. C’est suite à cette catastrophe que nait en 1885 la Société de sauvetage du Léman. Elle regroupe alors cinq sections : Genève, Versoix, Nyon, Ouchy et Thonon.

collision sur le lac le 23 novembre 1883

Vous voulez lire un autre article « un jour une histoire »?

Partagez l'article ici

Sources

Gazette de Lausanne, éditions du 24.11.1883 au 30.11.1883

Journal de Genève, édition du 25.11.1883

Bibliographie

Jost von Reding. « Le Léman a aussi eu son « Titanic », avec le naufrage du bateau Le Rhône en 1883 », RTS, 13 mars 2022. URL : https://www.rts.ch/info/suisse/12928841-le-leman-a-aussi-eu-son-titanic-avec-le-naufrage-du-bateau-le-rhone-en-1883.html

Aude Marcovitch. « Les épaves englouties racontent la grande histoire navale du Léman », Le Temps, 13 mai 2000. URL : https://www.letemps.ch/societe/epaves-englouties-racontent-grande-histoire-navale-leman

Images

Images 1, 2 et 3 : Pixabay

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *