Surnommé le «Panthéon genevois», le cimetière des Rois accueille aujourd’hui les sépultures des Genevois et Genevoises les plus illustres. Cependant, il n’a pas toujours été un lieu sélect. Bien au contraire…
Situé au cœur du quartier de Plainpalais, le Cimetière des Rois, officiellement connu sous le nom de cimetière de Plainpalais, est le plus ancien cimetière de la ville de Genève encore en «activité». Son origine remonte à 1482. Il est créé pour accueillir les nombreuses victimes d’une épidémie de peste noire. Il se trouve alors à côté de l’Hôpital des pestiférés, construit quelques années plus tôt, en 1469. Plainpalais est alors un quartier maraîcher situé hors des murs de la ville.
La Réforme protestante de 1536 a profondément transformé l’organisation funéraire de Genève. Les cimetières paroissiaux, jusqu’alors adossés aux églises, sont progressivement fermés, tandis que celui de Plainpalais, alors en dehors de la ville fortifiée, devient le principal lieu d’inhumation pour les Genevois. Il conserve cette fonction jusqu’à la fin du XIXe siècle, lorsque le cimetière de Saint-Georges, construit en 1883, le remplace. Il devient dès lors réservé aux personnes disposant d’une concession.
C’est seulement au milieu du XXe siècle que le cimetière de Plainpalais acquiert son statut de panthéon local. En 1958, la Ville de Genève décide officiellement de le réserver à l’inhumation des magistrats et des personnalités ayant contribué au rayonnement de Genève, sur décision du Conseil administratif. Depuis, on y enterre une ou deux personnes par année, renforçant son statut symbolique de Panthéon genevois.
Le droit d’y être inhumé est aujourd’hui strictement encadré par le Règlement des cimetières. Ce caractère sélectif confère au lieu une fonction mémorielle, culturelle et politique.
Malgré son nom évocateur de «Cimetière des Rois», il ne s’agit nullement d’un lieu réservé à une monarchie locale. Ce surnom, désormais ancré dans la mémoire collective, provient en réalité de l’adresse du cimetière: 10 rue des Rois. Cette rue doit son nom à une tradition de la Compagnie des Arquebusiers de Genève. Entre 1509 et 1847, le meilleur tireur de l’année recevait le titre de «Roi du Tir». La rue des Rois, voisine de la rue du Tir, témoigne encore de cette époque.
Ainsi, le nom de «Cimetière des Rois», bien que mal interprété, convient paradoxalement très bien à ce lieu: il célèbre aujourd’hui les «rois» (et reines!) de la culture, de la science, de la politique et des arts genevois.
Le cimetière abrite aujourd’hui plus de 300 tombes de personnalités marquantes, dont Jean Calvin, William Favre, Grisélidis Réal, Jean Piaget, Charles Pictet de Rochemont, ou encore Alice Rivaz.
En 2015, le cimetière a accueilli une exposition artistique singulière: Open End, une installation conçue par l’artiste Vincent Du Bois en partenariat avec le Service des pompes funèbres et l’association DART. Cette exposition visait à remettre l’art au cœur des cimetières et à interroger notre rapport contemporain à la mort et à la mémoire.
L’exposition a transformé le cimetière en laboratoire artistique et philosophique, où le silence des tombes sert de contrepoint poétique au vacarme du progrès. Le projet Open End, appelé à se déployer dans d’autres villes, contribue à redéfinir la place des cimetières dans l’espace public et dans l’imaginaire collectif.
Vous voulez connaître l’histoire d’un autre monument?
Judith Monfrini. « Le cimetière des Rois, un musée à ciel ouvert ».Tribune de Genève¸ 30.10.2024. En ligne ici.
« Le cimetière des Rois dans tous ses états ». Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève, vol. 254, no 91, 09.08.2006.
« Pourquoi le cimetière des Rois s’appelle-t-il ainsi ? ». Interroge, 22.01.2025. En ligne ici.
Site du projet Open End.
Images 1 et 3 à 6. Photographies de l’autrice.
Image 2. Domaine public, Wikimedia Commons.