Sur le chemin de l'histoire

L’histoire de Genève à travers ses noms de rues

En passant par la cité

La place du Molard

La place du Molard a joué un rôle central dans l’histoire genevoise au cours des siècles. Port, halle, marché, lieu de discours politiques et religieux ainsi que lieu de sentence, elle est au cœur de tous les évènements genevois du Moyen Âge à l’époque contemporaine…

Le port médiéval de Genève

Le mot «molard» provient du mot «môle» et qualifie un amoncellement de pierres. Il désigne probablement un enrochement ou une digue, protégeant à l’origine le port du Molard à Genève. Ce port était déjà mentionné en 1271 et faisait partie du développement de la ville au XIIIe siècle, notamment avec l’agrandissement du côté du lac.

Dès le XIVe siècle, des travaux d’aménagement repoussent le rivage du lac, permettant la création des places de la Fusterie, du Molard et de Longemalle, formant ainsi la «Ville basse».

Au XVIe siècle, le port se ferme côté lac, avec l’agrandissement des fortifications de la ville jusqu’au rivage. Les bateaux passent sous une arche et entrent dans un canal central bordé de quais et de tilleuls. Puis au cours des siècles, le port fut fermé et les bords du lac prirent de plus en plus la forme actuelle.

La place du Molard
Henri Germain Lacombe, Marché public sur la place du Molard à Genève, huile, 1843.

Un lieu de vie central

En 1309, l’évêque Aymon de Quart reconnaît la commune de Genève et impose la construction d’une halle au Molard, destinée à l’entreposage des marchandises pour les foires de Genève, qui connaissent alors leur apogée. Cette halle accueille le «poids de l’évêque», qui permet de peser et taxer les marchandises à vendre.

Au fil des siècles, la place du Molard devient un cœur économique, politique et social de Genève. Au XVIe siècle, elle est un point stratégique avec des entrepôts, une douane et un bureau de change. Le Molard est également le site de marchés, notamment de poissons et de volailles, et abrite diverses activités artisanales.

La place joue aussi un rôle dans la justice publique, avec des exécutions et des peines infligées. Plusieurs exécutions notables ont eu lieu sur la place, notamment celle de Jacques Malbuisson en 1535 et de Jacques Spifame en 1566. Au XVIIIe siècle, c’est aussi au Molard que les livres censurés de Jean-Jacques Rousseau, l’Emile et le Contrat social sont brûlés.

La place du Molard
Christian Gottlieb Geissler, Vue de la place du Molard, Aquarelle, 1794. Bibliothèque de Genève.

La tour et la fontaine

Plusieurs éléments de la place du Molard sont restés en place durant plusieurs siècles, même s’ils ont connu plusieurs changements. C’est le cas par exemple de la Tour du Molard et de la fontaine. La Tour du Molard ou Tour de l’Horloge, est mentionnée dès le XIVe siècle et faisait partie de l’enceinte fortifiée de la ville basse. Elle a connu plusieurs reconstructions, notamment en 1591, 1717 et 1773.

La première fontaine du Molard date de 1451. Elle connaît aussi plusieurs reconstructions, notamment car elle est critiquée pour son débit trop faible. Un projet de réfection mené par Joseph Abeille en 1710-1711 a donné une nouvelle fontaine avec un bassin en calcaire blanc et un obélisque en marbre. Les restaurations suivantes aux XIXe et XXe siècle lui ont laissé cette forme. En 1898, un projet de démolition de la fontaine s’amorce à cause de sa proximité avec un kiosque de tramways. Cependant, des oppositions freinent puis arrêtent ce projet en 1899.

La place du Molard

Le Molard et la Réforme

La Tour de l’Horloge subit une modification esthétique en 1906 par l’architecte cantonal Charles Engels. Plusieurs éléments décoratifs viennent embellir la tour: une frise peinte reprenant des scènes et des armoiries historiques liées à Genève, ainsi qu’un bas-relief célébrant « Genève cité du Refuge ».

Tous ces éléments rappellent l’histoire de la Réforme à Genève, durant laquelle la place du Molard a joué un rôle central. Le 1er janvier 1533, Antoine Froment, l’un des premiers pasteurs de Genève y prêche pour la première fois la foi réformée. Cet événement marquant suit un jour de tensions et de violences entre réformistes et catholiques. Antoine Froment, initialement contraint de prêcher dans une petite salle, est ensuite porté en triomphe et monte sur un banc de poissonnière pour prêcher sur la place du Molard.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette mythique place genevoise et les éléments nouveaux ou anciens qui la compose encore aujourd’hui. On y reviendra sûrement un jour prochain…

La place du Molard
Auguste Viande dit Doviane, Le pêche de Froment au Molard à Genève, Xylographie sur papier, XIXe siècle. Bibliothèque de Genève.

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Sources

« Fontaine de la place du Molard ». Site de l’Etat de Genève, en ligne ici. 

« Quelle est l’histoire de la Tour du Molard et du serrurier qui y habitait au 18e siècle ? ». Interroge, 21.04.2023. En ligne ici. 

Dejan Nikolic. « A Genève, la mystérieuse clé de la tour du Molard ». Le Temps, 10.07.2017. En ligne ici. 

Images

Images 1et 4. Photographies de l’auteure.

Images 2, 3 et 5. Domaine public, Wikimedia Commons.

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