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Les jeux à travers l’histoire

Jeu de cartes

La Triomphe

La Triomphe est un jeu de cartes apparu à la fin du XVe siècle et attesté en français dès 1480. Ce jeu ancien a marqué l’histoire des jeux de cartes européens en introduisant une innovation majeure: la désignation d’une couleur dominante, appelée «triomphe», qui l’emporte sur les autres. Cette notion est à l’origine du concept moderne d’atout.

L’histoire de la triomphe

La Triomphe est probablement originaire d’Italie, où elle se répand dès le XVe siècle sous le nom de trionfo. Ce terme, repris dans plusieurs langues européennes (comme triunfo en espagnol ou Trumpf en allemand), désigne alors l’idée d’atout. En France, le mot triomphe, féminisé par les grammairiens pour éviter toute confusion avec le sens courant du mot, signale à la fois la couleur dominante et le jeu lui-même.

La principale innovation de la Triomphe est cette instauration d’une hiérarchie temporaire entre les quatre couleurs – pique, cœur, carreau, trèfle – par la désignation aléatoire d’une triomphe au début de chaque partie. Cette couleur bénéficie d’un statut supérieur et permet à ses cartes de l’emporter sur toutes les autres, quelle que soit leur valeur. Il est probable que les premières formes du jeu aient été basées sur le simple hasard. Dès le XVIIe siècle en revanche, des règles plus élaborées apparaissent, reposant sur celles des jeux de levées (comme le piquet). C’est toutefois au XVIIIe siècle que les règles se standardisent pour de bon.

De la triomphe à l’atout

Assez rapidement après l’apparition du jeu, les joueurs commencent à utiliser l’expression «à-tout» pour désigner la triomphe. Cette expression souligne que cette couleur peut s’associer à toutes les autres. Elle se contracte ensuite en «atout», et s’impose progressivement dans le langage courant. En France, ce terme finit par supplanter totalement celui de triomphe, tombé en désuétude autour de 1800, en même temps que le jeu lui-même.

La triomphe
Les cœurs sont des atouts, gravure, 1892

Une partie de Triomphe

La Triomphe se joue entre plusieurs joueurs, généralement 4 ou 5, avec un jeu de 32 ou 36 cartes. C’est un jeu de levées (ou de plis), comme la belote ou le tarot. Chaque joueur reçoit un nombre de cartes convenu, distribuées dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Le donneur retourne ensuite une carte non distribuée. Sa couleur devient la triomphe.

Le joueur à droite du donneur commence. À chaque tour, chaque joueur pose une carte. Celui qui met la plus forte remporte les cartes jouées: il fait une levée. Le joueur qui gagne une levée commence la suivante. À la fin, celui qui a fait le plus de levées gagne le coup et marque 1 point.

Les règles à suivre
  • Il faut suivre la couleur demandée si on en a.
  • Si on n’a pas la couleur, on doit jouer une triomphe: on coupe.
  • Si une triomphe a déjà été jouée, on doit jouer une triomphe plus forte (surcouper) si possible.
  • Si on n’a ni la couleur, ni de triomphe, on joue n’importe quelle carte.
  • Celui qui a joué la carte la plus forte (triomphe ou couleur demandée) fait la levée.

On joue plusieurs coups jusqu’à ce qu’un joueur atteigne un nombre de points fixé (souvent 5 à 7). Si un joueur fait toutes les levées d’un coup, on dit qu’il fait la vole: il marque 2 points. Mais attention: s’il essaie de faire la vole et échoue, il perd 2 points! Un joueur peut aussi choisir de ne pas tenter la vole, et s’arrêter dès qu’il a assez de levées pour gagner 1 point.

Dans une partie à deux ou en équipes, on peut abandonner le point à l’adversaire dès le début. Si l’adversaire accepte, il marque 1 point. S’il refuse, il doit tenter la vole et la réussir. Sinon, il perd 2 points.

La triomphe
Firmin Baes, Nature morte au jeu de cartes, huile, entre 1884 et 1940

Les variantes du jeu de la Triomphe

Avec des milliers de joueurs eu Europe sur plusieurs siècles, la triomphe a évidemment connu de nombreuses variantes. D’abord, il est possible de jouer en individuel (chacun pour soi) ou en équipe. On compte trois variantes principales.

La Triomphe au forçat

Chaque joueur doit se rendre maître s’il le peut. Même s’il doit couper ou surcouper, parfois même en jouant contre les intérêts de son partenaire s’il joue en équipe. Cette version impose des choix très stricts à chaque tour.

La Triomphe forcée

C’est la version la plus répandue à partir du XVIIIe siècle. Il faut toujours suivre la couleur demandée, et toujours couper si on ne l’a pas, même si cela empêche de faire une levée. En équipe, tous les joueurs doivent respecter cette règle, sans exception. Cette version s’impose à partir de 1725. C’est la plus jouée des variantes de triomphe à Paris. Elle se joue en équipes de deux ou trois joueurs, avec un jeu de 32 cartes.

L’As qui pille

Dans cette variante très ancienne, l’as de triomphe a un pouvoir spécial: le joueur qui le possède peut piller le talon. Autrement dit, il peut piocher les triomphes dans les cartes non utilisées. Cette règle donne un avantage au donneur (si la carte du talon retournée pour définir la triomphe est l’as) ou au joueur qui a l’as, mais elle peut être désactivée par accord entre les joueurs.

L’As qui pille était appelé simplement le jeu de la Triomphe au XVIIe siècle, ce qui laisse penser que c’était alors la variante la plus pratiquée.

La triomphe
John Müller, Jeu de cartes des costumes et paysages suisses, 1863-1873.

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Sources

Philippe Lalanne. « La Triomphe ». Académie des jeux oubliés, 15.11.2021 (02.06.2004). En ligne ici

Thierry Depaulis. « Bridge ». Encyclopædia Universalis. En ligne ici

Thierry Depaulis. Les loix du jeu : bibliographie de la littérature technique des jeux de cartes en français avant 1800.Paris, Cymbalum Mundi, 1994

Images

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Images 2 à 4. Domaine public, Wikimedia Commons.

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